La Sierra Leone apparaît pour beaucoup comme une version améliorée de l’enfer. Ce fut pourtant jadis un paradis, comme le rappelle le nom de sa capitale, Freetown, la ville libre. Thierry Cruvellier y débarque en 1990, frais émoulu du Celsa, comme coopérant. Il est fasciné par ce pays, l’un des plus pauvres de la planète, et surtout par ses habitants qui usent de stratagèmes pour survivre, comme ce chirurgien qui ouvre l’épopée de cette Terre promise. Pour un salaire équivalent à une bonne paire de chaussures, il opère dans des conditions extrêmes. Quatre ans plus tard, Thierry Cruvellier retourne en Sierra Leone. C’est la guerre civile. Elle rongera le pays jusqu’en 2002. Depuis, le journaliste qui a couvert les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (Le tribunal des vaincus, Calmann-Lévy, 2006) et le procès de Douch, le bourreau khmer rouge (Le maître des aveux, Gallimard, 2011) n’a cessé d’être hanté par le peuple sierraléonais plongé dans une violence dont on n’a pas idée, mais qui surmonte avec dignité sa peur. "La Sierra Leone est une nation si jeune que certains de ceux qui l’ont vue naître sont encore en vie." C’est bien cette jeunesse qui émerge des trois parties de ce livre coup de poing, de ce grand reportage à l’américaine où l’histoire s’invite sans cesse aux frasques du présent. Par sa galerie de portraits, ses analyses et surtout cette écriture qui agrippe la réalité par ses moindres reliefs, Thierry Cruvellier dévoile crûment moins une terre promise qu’une terre de promesses. L. L.