12 septembre > Premier roman France

Pour son premier roman, Christian Carisey a choisi de s’appuyer sur un épisode historique attesté, qui aurait pu changer même la face du monde. En 1686, Louis XIV, souverain incontesté du plus puissant Etat d’Europe, la France, qui gouverne depuis 1661 et la mort de son mentor Mazarin, se résout, souffrant le martyre depuis des mois à cause d’une méchante fistule anale, à se faire opérer. Pour ce faire, il fait appel non point à son médecin habituel, d’Aquin, dont les remèdes se sont révèlés impuissants à le guérir ni même à le soulager, encore moins à un quelconque barbier, comme cela se pratiquait d’ordinaire, même chez les gens de qualité. Non, l’officiant choisi sera Charles-François Félix de Tassy, dit Félix, premier chirurgien du roi à Versailles.

Celui-ci, par chance, est un véritable scientifique, un chercheur persuadé que la médecine en général et sa discipline en particulier ont d’immenses progrès à accomplir. N’en déplaise à l’Eglise, il travaille « sur le motif », disséquant sans relâche tous les corps qu’on veut bien lui fournir. Pour le cas qui l’occupe cette fois, honneur plus que redoutable, il va se préparer minutieusement : il fait fabriquer un scalpel spécial et performant, et il « répète » l’opération, fort délicate, sur des dizaines de prisonniers embastillés et affectés du même mal que son illustre patient, lesquels lui servent de cobayes. Les premiers meurent tous d’hémorragie. D’autres finissent par survivre, et même guérir ! Félix sait alors qu’il est prêt à s’attaquer au royal fondement. Avec succès, comme l’on sait, puisque Louis XIV a vécu et régné jusqu’en 1715. Bien sûr, s’il était mort « sur le billard », la France et l’Europe avec elle auraient été plongées dans un chaos indescriptible. Félix n’avait pas intérêt à se tromper. Les grands destins tiennent souvent à de petites choses.

Pour son récit, passionnant et bien mené, Christian Carisey a choisi de beaucoup « contextualiser », afin que le lecteur comprenne bien le moment historique où on l’invite. Intention louable, en dépit de quelques « topos » - sur la stupide et catastrophique révocation de l’édit de Nantes, par exemple, décidée par le roi en 1685 - et d’opinions contestables : l’année 1686, selon lui, marquerait le début du déclin du Roi-Soleil. Trente ans de déclin sur un règne de plus de soixante-dix, cela paraît tout de même beaucoup !

Mais il est de bon ton, ces temps-ci, de déboulonner Louis XIV. On retiendra plutôt, de cet épisode, son courage physique : grand malade - chasseur, coureur, glouton, le roi souffrit toute sa vie, outre de son fondement, de ses dents, de la goutte, d’affections vénériennes -, son devoir passe avant tout. Il doit paraître, écouter, essayer de gouverner malgré tout, contrôler ses ministres, même le très (trop) zélé Louvois, résister à la bigoterie de sa femme (secrète) Madame de Maintenon, aux ambitions des Grands dont il se défie depuis la Fronde, et se battre pour agrandir et affermir le pays. Tout le débat actuel porte sur son bilan : quel était l’état de la France en 1715 ? Les avis des historiens divergent. Ceux des romanciers aussi.

Jean-Claude Perrier

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