Roman/France 27 août Camille Pascal

Contrairement à ce que prétendait Alexandre Dumas (Père), il n'est point besoin de violenter l'Histoire pour lui faire de beaux enfants. A preuve, ce roman, le deuxième de Camille Pascal après L'été des quatre rois (Plon, 2018, Grand prix du Roman de l'Académie française), où l'agrégé d'histoire a mis son savoir au service de l'écrivain. Tout, dans ce livre, est rigoureusement authentique, les faits, les personnages, les décors, les costumes, les menus, jusqu'aux dialogues cités et aux extraits de correspondances, souvent inédites. En ce temps-là, sous Louis XV, on s'écrivait beaucoup, parfois plusieurs fois par jour.

Lorsque débute La chambre des dupes, en 1741, le roi a 31 ans. Il règne officiellement depuis 1715 et la mort de Louis XIV, son arrière-grand-père. Monarque absolu, guerrier mais moins que son aïeul, ses occupations favorites étaient, outre la vie de Cour, la chasse et ses amours. Mal marié à Marie Leczynszka, princesse polonaise bigote, on ne compte plus ses maîtresses, dont plusieurs furent des femmes importantes dans sa vie. Certaines demeurent illustres, comme la marquise de Pompadour. D'autres sont moins connues, comme les sœurs de Mailly-Nesle. L'une, la marquise de Vintimille, sa favorite, vient de mourir, peut-être empoisonnée. Sincèrement chagriné, il n'est pas resté longtemps inconsolé. Successivement ou en même temps, il devient l'amant de Louise de Mailly (qui finira confite en dévotion), de sa sœur Hortense, mais, surtout, de Marie-Anne, marquise de la Tournelle, 26 ans à l'époque, qu'il fera duchesse de Châtellerault, et dame du palais de la reine. C'est ce que cette femme de tête autant que de cœur avait exigé, en échange de ses faveurs, accordées seulement en décembre 1742, après que le roi lui avait fait une cour pressante.

Il était rare, à Versailles, qu'une femme résistât si longtemps au monarque. Mais Marie-Anne, veuve, savait ménager ses intérêts et ceux de sa famille, dont le duc de Richelieu, ami du roi et nommé Premier gentilhomme de sa chambre à Noël 1743, lequel joua un rôle capital dans la faveur de sa nièce contre tous leurs ennemis, notamment les dévots de l'entourage de la reine et du dauphin, le futur Louis XVI. Durant un an et demi, Louis et Marie-Anne vont s'aimer, et celle-ci servir la politique de la France, en tant qu'intermédiaire avec Frédéric II de Prusse, l'ami de Voltaire. Mais, à l'été 1744, le roi part en campagne pour les Flandres, et tombe malade à Metz. Il y restera un mois, entre la vie et la mort, et le parti des bigots (La Rochefoucauld, Bouillon, Fitz-James...) en profitera pour lui arracher sa conversion, lui faire chasser sa maîtresse « la paille au cul ». Jusqu'à ce que guéri, le roi, qui ne leur pardonna jamais cet abus de sa faiblesse, se venge. Trop tard hélas pour Marie-Anne, qui meurt le 8 décembre 1744, juste au moment où elle allait être rétablie dans tous ses honneurs. Sans cela, il n'y aurait peut-être jamais eu la Pompadour. Toute cette histoire méconnue est à la fois menée à grandes guides et contée avec minutie, c'est captivant comme un thriller, et écrit dans un français d'une belle élégance. On s'y croit, on y est, c'est parfait.

Camille Pascal
La chambre des dupes
Plon
Tirage: 22 000 ex.
Prix: 21.90 euros ; 512 p.
ISBN: 9782259276788

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