Top départ pour le Goncourt des lycéens 2023. Lundi 9 octobre, à 9h45, ils étaient 342 lycéens issus de 13 classes différentes à se presser aux portes du théâtre Edouard VII (Paris 9e). Accompagnés par leurs professeurs, certains profitent de ce début de matinée pour avancer dans leur lecture au pied de la statue à l’effigie de l’ancien roi anglais. D’autres disparaissent derrière leurs gobelets de café. Les élèves de seconde, première et terminales (toutes filières confondues) qui appartiennent au jury de la 36e édition du Goncourt lycéen de la région parisienne s’apprêtent à rencontrer les auteurs de la sélection, qu’ils ont commencé à lire en septembre.
Alors que l’heure du lancement se rapproche, Kevin Lambert devient de plus en plus enthousiaste – l’auteur de Que notre joie demeure (Le Nouvel Attila) se reconnait dans ces lycéens, ayant lui-même fait partie d’une opération similaire au Québec pendant l’adolescence. Il fait partie des huit auteurs au rendez-vous ce matin, aux côtés de Cécile Despairies (La propagandiste, Seuil), Léonor de Récondo (Le grand feu, Grasset), Jean-Baptiste Andrea (Veiller sur elle, L’Iconoclaste), Antoine Sénanque (Croix de cendre, Grasset), Emilie Frèche (Les amants du Lutetia, Albin Michel), Eric Reinhardt (Sarah, Susanne et l’écrivain, Gallimard) et Neige Sinno (Triste tigre, P.O.L.).
Au total, les 16 auteurs feront la connaissance de 54 classes différentes lors de ces rencontres organisées par la Fnac entre le 9 et le 20 octobre dans sept villes. Ils les écouteront lire l’extrait d’un roman de leur choix et répondront à leurs questions. A Paris, l’évènement est agrémenté par les dessins des étudiants de l’école d’Estienne, réalisés sur scène en temps réel.
De gauche à droite : Vincent Delecroix, Akira Mizubayashi, Dorothée Janin, Gaspard Koening et Nicolas Carreau- Photo SARAH BASTIN
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Redonner le goût de la lecture
Pour Claire Sani, coordinatrice régionale du Sud-Ouest, un des objectifs de ces rencontres est de montrer aux lycéens que la littérature n’est pas une matière figée, créée par des auteurs morts depuis des siècles. Le Goncourt des lycéens est une initiation à la littérature contemporaine et permet de se l’approprier. Aspect concret appuyé par Nicolas Carreau, qui anime l’évènement : « En attribuant ce prix, vous participez à la mise en valeur de l’auteur dans l’édition. Vous lui permettrez de financer sa carrière », rappelle-t-il.
Xavier Fleury, professeur au lycée professionnel Jean Guehenno (Saint-Amand-Montrond), souligne que ces échanges peuvent aussi booster la motivation des jeunes ou pallier à des pannes de lecture. Il est rejoint dans cette considération par trois élèves de sa classe, Éléa, Clarisse, Justine et Hélène, quatre grandes lectrices qui passent toutes le brevet des métiers d’art (BMA). « Je n’avais presque pas envie de lire Triste Tigre car le sujet m’effrayait. Mais la rencontre m’a donné envie de le lire. » confie Clarisse.
S'attaquer à des sujets difficiles
Les réactions sont en effet multiples à propos de Triste Tigre, prétendant au Goncourt édité par P.O.L. Les lycéens font preuve de délicatesse et de finesse en alternant des questions sur le style, le fond, et l’impact de l’écriture sur l’autrice elle-même. Une attitude que symbolise bien le choix de l’extrait lu à voix haute : dans ce passage, Neige Sinno s’interroge à propos du voyeurisme qui caractérise le traitement médiatique de l’inceste, et notamment des questions déplacées posées aux victimes. Selon elle, il atteste du « courage » avec lequel ils se sont emparés du récit. Qu’il s’agisse de l’inceste dans Triste Tigre, du collaborationnisme abordé par Cécile Desprairies avec La Propagandiste ou la « libido du capitalisme » résumée comme telle par Kevin Lambert à propos de son roman, il n’y a rien que les lycéens contournent, malgré la difficulté des sujets.
Dans les coulisses, Neige Sinno confie : « L’interlocuteur auquel je m’adresse dans Triste Tigre a tous les âges, et je connais beaucoup de jeunes personnes qui s’intéressent au sujet des violences sexuelles infantiles. L’adolescence est un âge philosophique, où beaucoup de questionnements sur la vie, la société et l’identité surviennent. »
Prochaine étape : les délibérations régionales, qui se dérouleront le 20 novembre en huis-clos dans six villes de France. Les 3 finalistes régionaux seront choisis. Qui, parmi eux, succèdera à Sabyl Ghoussoub, lauréat 2022 pour Beyrouth-sur-Seine (Stock) ?
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Par
Élodie Carreira
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