4 JANVIER - ROMAN France

Louis Gardel est un écrivain français né en Algérie, devenu célèbre en 1980 quand Fort Saganne, son troisième roman publié au Seuil depuis 1973, remporta le grand prix du Roman de l'Académie française. Le livre, ensuite, fut adapté au cinéma de belle façon, avec, dans le rôle-titre, un Depardieu très inspiré. Il a publié depuis, chez le même éditeur, six autres romans à un rythme de sénateur, jusqu'à La baie d'Alger, paru en 2007. Il faut dire que Gardel est aussi scénariste, et l'un des piliers du comité de lecture du Seuil. Toutes ces précisions ne sont pas destinées à concurrencer Wikipédia, mais se révèlent indispensables pour posséder quelques clés du Scénariste, le nouveau roman de Louis Gardel et sa première excursion, chez Stock.

Roman "à clés", donc, sur l'écriture et l'édition, roman d'apprentissage sur le passage d'un écrivain au monde du cinéma, roman algérien avec un personnage en quête de son père, lequel pourrait bien être Belkacem, un héros de la guerre d'indépendance assassiné par le FLN au pouvoir de Boumediene. Comme si Gardel avait voulu rassembler dans un même livre tous ses fondamentaux, ce qui fait sa vie, et jouer avec.

Lorsque s'ouvre le rideau, François Blanès est un jeune écrivain prometteur, cornaqué par son éditeur, Thierry - lequel a de faux airs de Jean-Marc Roberts. Son deuxième roman obtient le Renaudot, et François va se trouver emporté dans la spirale du succès. Un producteur achète les droits de son livre, et il finit par en écrire une adaptation différente de l'original et plus personnelle : il y mêle sa propre histoire, telle qu'il a pu la reconstituer.

Sa mère, une bibliothécaire anticolonialiste et idéaliste, partie vivre en Algérie en 1962 afin de participer à la reconstruction du pays, en est revenue en 1974. Avec son fils, né là-bas, mais à qui, jusqu'à sa mort en 1995, elle n'a jamais voulu avouer qui était son père. Dans le salon des Blanès, un fauteuil vide, celui de l'absent, où personne n'avait le droit de s'asseoir. Ce fauteuil, l'écrivain, invité au Salon du livre d'Alger par la ministre Souad Lamrani, rencontrée sur un plateau de télé et qui ne le laisse pas insensible, va tenter de découvrir qui aurait dû l'occuper. Au risque de froisser les autorités algériennes et de se faire expulser. De retour, François peut s'abandonner à l'amour que lui porte Florette (et réciproquement), une jeune fille de Soustons, dans les Landes, qui n'a pas froid aux yeux. "Montée à Paris", elle est d'abord pigiste littéraire, puis entre chez l'éditeur de François comme lectrice. Auparavant, elle avait fait la connaissance d'un écrivain vieillissant, libidineux et nuisible, qui menace de révéler leur liaison passée, à moins que Florette ne le laisse aider à la carrière de Blanès. C'est un peu tordu, pathétique, et le personnage n'est pas sans évoquer une silhouette connue. Un ancien du Seuil...

La jalousie rétrospective de François fera-t-elle capoter sa belle histoire d'amour, ou, au contraire, tout cela se terminera-t-il par un happy end et un bébé ? On laissera au lecteur le plaisir de le découvrir, à la toute fin de ce roman polysémique, généreux, qui ose clins d'oeil, parodies de clichés et même une certaine crudité.

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