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La Cour d’appel de Nantes a rendu, le 16 décembre 2015, un arrêt très méticuleux sur le statut des images de biens. Le litige opposait Les Brasseries Kronenbourg au domaine nationale de Chambord, le château ayant servi de décor à une publicité pour la bière « 1664 ».

Le directeur général de l'établissement public du domaine national de Chambord avait indiqué à l'agence de communication chargée par la société d'effectuer les prises de vue, que l'utilisation de l'image du château de Chambord à des fins de publicité commerciale constituait une utilisation du domaine public justifiant le versement d'une contrepartie financière sur le fondement.

Mais les discussions entre les parties n'avaient pas abouti sur le montant de cette contrepartie, ; et le directeur avait transmis à Kronenbourg deux états de sommes dues ayant pour objet : «  occupation du domaine public : indemnité due au titre de prises de vue du château à des fins commerciales », puis évoquant l’exploitation notamment numérique de ces images.

Les juges en contestent pas le principe d’un droit à l’image des biens monnayable, mais la méthode.

Ils rappellent en effet que, aux termes  du Code général de la propriété des personnes publiques, «  Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (…) dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous »  et que « toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (…) donne lieu au paiement d'une redevance ».
Mais ils considèrent que « pour la réalisation des prises de vue, le château de Chambord, lequel relève du domaine public immobilier de l'Etat, aurait été, le temps de ces photographies, soustrait à l'usage de tous » et « que, par suite, en l'absence d'un usage privatif de ce domaine public, l'établissement public du domaine national de Chambord ne pouvait légalement réclamer aucune redevance domaniale de ce chef ».

Ils soulignent toutefois qu’« afin d'éviter à tous égards qu'il n'y soit indirectement porté atteinte de manière inappropriée, les prises de vue d'un immeuble, appartenant au domaine public d'une personne publique, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues ou d'association de ces reproductions à des produits dans le cadre d'opérations de publicité commerciale, requièrent une autorisation préalable délivrée par le gestionnaire de ce domaine dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique ; que cette autorisation peut prendre la forme d'un acte unilatéral ou d'un contrat ; que la décision unilatérale peut être assortie notamment de conditions financières sous réserve qu'elles aient été préalablement légalement déterminées ; que de telles conditions peuvent également être prévues par le contrat conclu entre les parties » .
        
En clair, tout cela relève du secteur des contrats de doit privé, qui peuvent être négociés et jugés par les juridictions de l’ordre judiciaire.
Et il faut rappeler que, aux termes de l’article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle, « la propriété incorporelle (...) est indépendante de la propriété de l’objet matériel. L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits prévus par le présent code. »

Cela signifie que le propriétaire du support matériel d’une œuvre (un tableau, un tirage original, etc.) ne dispose pas des droits d’exploitation sur cette œuvre, sauf s’il en est stipulé autrement dans le cadre d’un contrat conclu avec l’auteur ou ses ayants droit.

Cette règle dite d’indépendance des propriétés intellectuelle et matérielle s’applique quel que soit le cas de figure dans lequel l’œuvre a été acquise : commande publique, vente aux enchères, etc.

C’est donc aux créateurs ou à ses ayants droit qu’il faut en général s’adresser quand l’œuvre n’est pas encore tombée dans le domaine public (c’est-à-dire en général jusqu’à soixante-dix ans après la mort de l’auteur).

Mais, que l’œuvre soit encore protégée ou non au titre de la propriété littéraire et artistique, il existe désormais un droit au profit du propriétaire matériel.
C’est ainsi que les musées ou certains collectionneurs monnayent une sorte de « droit d’accès » à leur propriété.

En pratique, les propriétaires de biens mobiliers négocient parfois en plus de ce droit d'accès un véritable droit d’auteur sur les clichés de leurs biens quand ils les ont réalisés ou fait réaliser par leurs propres photographes. Un droit à l’image ainsi qu’un droit d’auteur s’appliquent ainsi alors même que l’œuvre initiale (tableau, sculpture, etc.) appartient au « domaine public » (dans tous les sens juridiques du terme). 

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