C’est un cours pas comme les autres qui s’écoule dans les propos que Lucien Febvre tient au Collège de France entre 1943 et 1944. Il a fait de Michelet son repère et son rempart pour préserver la civilisation en péril. Marc Bloch, qui a fondé avec lui l’école des Annales, est entré dans la Résistance. Il tombera sous les balles allemandes trois mois après la trentième et dernière leçon donnée sur Michelet et l’histoire de France.
Grâce à Yann Potin et Brigitte Mazon, on peut désormais lire ce cours. Dans la tourmente, pendant que la France est étranglée par les nazis et trahie par Vichy, l’historien s’insurge. "Michelet a chassé la race de notre histoire", lance-t-il. Pour cela, il lui en est infiniment reconnaissant. Entre 1833 et 1869, Michelet a façonné l’identité nationale. De son Histoire de France est sortie une conception moderne de la nation. En s’appuyant sur cet édifice, Lucien Febvre se veut prophétique en gardant la foi dans la capacité d’une France à renaître, débarrassée de son identité.
On retrouve dans ces pages l’oralité du discours, la précision du verbe, la rigueur de la citation. Devant son auditoire, pendant que la guerre prend un tournant décisif en faveur des Alliés, Lucien Febvre distille une petite révolution historiographique en s’appuyant autant sur Michelet que sur Marc Bloch, dont il éditera l’Apologie pour l’histoire.
Après le cours sur Michelet et la Renaissance (Flammarion, 1992), professé en 1942 et 1943, ce texte permet de comprendre l’évolution intellectuelle de l’un de nos plus grands historiens. Laurent Lemire