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Le 3 février 2016, l’éditeur Le Peuple de Mü a fait part de son intention d’agir en justice contre le diffuseur/distributeur Sobook. Alors que les liens contractuels entre les deux entreprises ne datent que du 1er mai 2015, la maison d’édition s’inquiète de la faiblesse de ses ventes et du recours à des sous-traitants.

Rappelons que la distribution et la diffusion ne constituent pas, en droit, un ensemble scientifique précis : il existe peu de textes législatifs et réglementaires spécifiques et le droit de la distribution est essentiellement jurisprudentiel. Il repose notamment sur le droit des contrats, ainsi que sur les règles en matière de concurrence. Il s’agit donc, d’un point de vue de juriste, d’un domaine forcément pluridisciplinaire.

La vocation et la principale obligation de l’éditeur consistent à assurer aux œuvres de l’esprit qui lui sont confiées, le soin d’en assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession. Cette obligation est mentionnée au sein de l’article L.132-12 du Code de la propriété intellectuelle.

Cette mission essentielle de l’éditeur doit lui permettre de contribuer à la diffusion de la pensée, et à la notoriété de l’auteur. L’éditeur a, par conséquent, l’obligation de fournir une diffusion qualitative et quantitative suffisante du livre afin que le public puisse paisiblement y avoir accès.

Ceci implique que l’éditeur doit détenir un stock d’ouvrages suffisant, afin de lui permettre de répondre à la demande du public et d’assurer son approvisionnement régulier en fonction des commandes des détaillants.

La jurisprudence met ainsi à la charge de l’éditeur une obligation de promotion des œuvres et lui impose de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de porter à la connaissance du public l’existence de l’œuvre et l’inciter à l’acquérir.

Ces obligations peuvent être juridiquement qualifiées d’obligations de moyens puisque le Code de la propriété intellectuelle limite la responsabilité de l’éditeur aux usages normaux de la profession.

Or, les usages tels que consignés par les protocoles d’accords intervenus entre éditeurs et auteurs sous l’égide des syndicats représentatifs ne renferment aucune disposition afférente à ces éléments.

Ces missions peuvent donc être divisées en deux grands pans : la diffusion, consistant à promouvoir le catalogue de l’éditeur et à susciter l’intérêt des professionnels, afin de provoquer les commandes d’ouvrages par les détaillants; ainsi que la distribution qui consiste en l’acheminement matériel, la gestion des stocks et l’approvisionnement constant des points de vente, afin de répondre à la demande du public. Ces termes sont employés spécifiquement dans le sens usuel donné par la pratique professionnelle en matière d’édition.

Enjeu de tailles

Si un éditeur de petite structure ou ayant un catalogue des plus spécialisé avec une clientèle immuable et ciblée peut assurer seul la gestion de son stock et des commandes, une telle tâche devient rapidement pharaonique pour les éditeurs de moyenne ou grosse structure.

Les maisons d’édition ayant de nombreux titres à leur catalogue pourront créer au sein de leur société une structure qui disposera des moyens logistiques indispensables, afin d’assurer la gestion des stocks et l’information du public et des libraires, et qui sera plus particulièrement chargée de la diffusion et de la distribution des titres du catalogue.

Cependant, les éditeurs de moyenne structure devront confier le soin de la diffusion-distribution à des prestataires de services spécialisés dans cette activité.

L’étude de la diffusion-distribution relève principalement d’un examen empirique de la pratique contractuelle et ne correspond à aucune disposition légale particulière. Ainsi, les dispositions du droit de la distribution, du droit de la concurrence et la théorie générale des contrats viendront régir les rapports entre éditeur et diffuseur-distributeur.

La jurisprudence est en outre particulièrement pauvre dans ce type d’espèce où la séparation amiable et le jeu des clauses pénales ou résolutoires viennent dans la plupart des hypothèses résoudre les conflits.

C’est pourquoi les modèles, dont celui du Syndicat national de l’Edition, recensent utilement les clauses que doit contenir tout contrat de diffusion-distribution :
– l’exclusivité et son étendue (librairies, bibliothèques…), ainsi que les modes de commercialisation réservés à l’éditeur ou qui ne font pas l’objet d’une exclusivité (foires et salons, vente par correspondance, le commerce électronique qu’il s’agisse d’ouvrages en papier comme numériques en ligne est assimilable –, abonnement, etc.) ;

– les territoires ;

– les garanties apportées par l’éditeur de licéité des ouvrages commercialisés (existence de contrats avec les auteurs, absence d’infractions au droit de l’information, etc.) ;

– la propriété des ouvrages (et l’éventuelle réserve de propriété);

– les obligations du diffuseur: réception et stockage (avec mention de l’étendue de l’assurance), commercialisation, promotion et publicité (visant l’acheminement du matériel promotionnel propre à l’éditeur, tel que les présentoirs, affiches, etc.), informations sur les ventes, la prise en charge des risques d’impayés… ;

– les obligations de l’éditeur: livraison, quantité des stocks, informations sur le programme éditorial… ;

– les conditions financières (taux, frais divers liés au surstockage, aux prestations particulières, etc.) ;

– le traitement des retours ;

– les soldes et pilons ;

– la durée et l’expiration du contrat ;

– la juridiction compétente.

En cas de divorce

Qu’en est-il de la fin des relations ? Les contrats de diffusion-distribution pourront être affectés en particulier par l’arrivée du terme, leur résiliation ou encore le redressement ou la liquidation judiciaires du distributeur.

Ils sont conclus en général pour des durées déterminées et prévoient leur tacite reconduction. Ces conventions contiennent donc généralement des clauses prévoyant la faculté pour chaque partie de dénoncer le contrat moyennant un préavis.

La fluctuation des stocks et des créances entre éditeur et diffuseur-distributeur, due notamment à la gestion des retours, nécessite des dispositions transitoires particulièrement précises.

Le traitement des retours est surtout délicat lors de cette phase transitoire.

Ainsi, les parties devront informer les libraires de la rupture des relations contractuelles et leur indiquer par le biais d’une insertion dans une revue professionnelle, généralement Livres Hebdo, les conditions de traitement des retours et plus particulièrement leur acceptation jusqu’à une certaine date limite, puis l’identité du nouveau prestataire qui les acceptera à l’issue du contrat.

Le contrat pourra prévoir dans cette période transitoire la facturation sans délai à l’éditeur des ouvrages effectivement vendus, retours déduits.

Le distributeur, afin de se prémunir contre le risque de factures impayées de l’éditeur, dues à des retours importants pendant cette période, prendra le soin de réaliser une provision sur retours déterminée en fonction du taux moyen de retours constatés. Le montant de celle-ci pourra être prélevé sur chacune des factures ou garanti par une caution ou une sûreté.

L’enlèvement des stocks pourra s’opérer après l’établissement d’un inventaire contradictoire, et les écarts constatés – hors tolérance d’usage – pourront également faire l’objet d’une indemnisation du distributeur à la clôture des comptes.

Parce que le diffuseur-distributeur assure la centralisation et la gestion de flux financiers et matériels, une procédure collective affectera nécessairement les libraires, justifiant de créances et d’avoirs dus au titre des retours, et les éditeurs au titre des factures émises, des provisions consignées et des stocks dont ils sont, sauf convention particulière, propriétaires.

Enfin, le droit commun des procédures collectives a vocation à s’appliquer dans de telles hypothèses. En effet, les contrats de diffusion-distribution sont réglementés par les dispositions du Code de commerce. Si l’administrateur ne souhaite pas poursuivre le contrat après avoir été mis en demeure de se prononcer sur sa continuation, ou si l’administrateur ne respecte pas les obligations financières conclues, le contrat est résilié de plein droit, et les éditeurs doivent apporter une attention particulière au sort des stocks d’ouvrages déposés chez le distributeur.
L’éditeur a ainsi un délai de trois mois à compter de la résiliation du contrat pour exercer une action en revendication, dans les conditions de droit commun des procédures collectives.
 
 

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