Quelle sale mine ça a la jeunesse, lorsqu’elle ne sait pas s’arrêter à temps ! Lorsqu’elle ne comprend pas que l’heure est venue de passer à autre chose, que le soir est tombé.
Alvaro, Neto, Ciro, Silveiro et Ribeiro ont tous les cinq été trop intensément jeunes pour se résoudre à ne l’être plus. C’était les années 1970, la plage de Copacabana, le cinéma novo, la bossa-nova, les filles qui tombent avant qu’on ait fini d’en exprimer le désir, la fête, l’ivresse, une nuit pleine d’étoiles qui paraît ne jamais devoir finir.
Jusqu’à ce que le temps, qui est assassin, siffle la fin de la récréation. Ce sont alors amis qu’emportent les vents du divorce, de la trahison, des paternités encombrantes, des drogues, puis de l’impuissance, de la vieillesse et de la mort.
C’est là toute l’histoire d’une génération qui crut que les libertés qu’elle s’octroyait auraient valeur de passe-droits pour l’avenir ; toute l’histoire de Fin, premier roman aussi allègre que mélancolique de la comédienne Fernanda Torres. Au Brésil, Torres est comme la princesse héritière de la famille régnante du théâtre et du cinéma. Fille de la plus célèbre actrice de son pays et d’un non moins fameux metteur en scène, femme du cinéaste Andrucha Waddington, elle a elle-même remporté à 20 ans le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes. C’est dire combien ses débuts littéraires étaient attendus. Coup d’essai et de maître pour un roman qui fut l’événement de l’année 2013. Au-delà de l’argument, autopsie tendre et sarcastique d’une classe sociale prise dans ses contradictions et son égoïsme, ce qui frappe à la lecture est le souffle, presque lyrique, qui emporte le livre. Après Chico Buarque, Fernanda Torres est la deuxième artiste brésilienne à comprendre qu’être romancier n’est pas si difficile lorsque confusément on l’est déjà. Il suffit d’être musicien, comédienne, d’avoir le sens du rythme et de trouver sa voix.
Olivier Mony