Samedi, en acceptant de débourser 1,30 euros, les lecteurs du Monde papier avaient droit, en exclusivité, sur toute une demie-page, à un « point de vue » d’un certain M. Jeannet, se présentant comme « écrivain » (ce qu’il croit être) et professeur (ce qu’il est hélas, et même s’il exerce loin de France, on plaint les Mexicains et les Néo-zélandais qui ne méritaient pas ça). Son titre ? Excusez du peu : « Le Nobel immérité de Jean-Marie Le Clézio ». Ce M. Jeannet avait déjà commis, naguère, un livre d’entretien avec Annie Ernaux ou la suffisance (la sienne) le disputait à l’inanité (toujours la sienne). Cette fois, il pulvérise le « mur du çon », comme on dit au Canard Enchaîné , commençant par comparer Le Clézio à Amélie Nothomb, Alexandre Jardin « et bien d’autres », tous auteurs « qui se vendent bien, véhiculent des idées plus ou moins honorables » (sic), mais ne son pas nobélisables aux yeux de ce petit monsieur, parce qu’ils ne sont pas d’authentiques écrivains. « L e Clezio ferait bien de chercher à comprendre comment un roman est fait », conclut notre ridicule professeur. Franchement, Le Monde espère-t-il gagner des lecteurs en laissant publier de telles inepties ? Certes, pour les aigris et les ratés du monde des lettres, c’était un peu dur, ces jours-ci : le triomphe de Le Clézio s’affichait partout. Dans le Point, on apprenait que c’était la première fois que Pivot regrettait de ne plus avoir d’émission de télé : « Le Clézio prix Nobel, c’est fou ! J’aurais fait un entretien d’une heure et quart avec lui ». Il est évidemment permis de ne pas aimer Le Clezio. Mais qu’au moins, les arguments soient recevables. Ou épaulés par un vrai style. Franz-Olivier Giesbert, qui dresse, tout ravi, un portrait de son « ami », raconte, toujours dans Le Point , que Le Clézio lui avait confié un jour, après un éreintement de Rinaldi : « C’est quand même un plaisir d’être massacré par un talent pareil ! ». Le même Giesbert, sous sa casquette de juré Renaudot, a une autre occasion de bicher : comme l’explique Le Canard , le 10 novembre prochain, jour de la proclamation du Goncourt, toutes les caméras devraient plutôt se tourner vers ces messieurs du Renaudot… où siège Le Clézio. Déjà que cette année, personne ne s’intéresse au Goncourt (à qui la faute : s’ils avaient récompensé, l’an dernier, un roman qui méritait de l’être)… Depuis 2004, et le couronnement de Suite française , une subtile tectonique des plaques est à l’œuvre, qui pourrait déboucher sur une recomposition du paysage automnal. Je peux me tromper, mais je ne serais pas étonné qu’à l’horizon… disons 2015, le Renaudot ait dépassé le Goncourt en notoriété, et impact sur les ventes en librairie. *** PS qui n’a rien à voir : L’Express nous apprend que Mme Sarkozy prépare une fondation, dont le but sera probablement de combattre l’illettrisme. Des écrivains devraient lui apporter son soutien. On a hâte de connaître les noms des courtisans. Et le budget devrait être alimenté par « les recettes du disque » de la dame. Problème : ce disque étant un four (à peine 90 000 exemplaires écoulés à date), les illettrés devront plutôt compter sur leurs propres forces.
15.10 2013

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