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Le calvaire des éditeurs africains pour envoyer leurs livres en France

Les éditeurs africains profitent des salons en Europe pour expédier leur stock - Photo Facebook Salon du livre africain de Paris

Le calvaire des éditeurs africains pour envoyer leurs livres en France

Logistique coûteuse, circuits nationaux de distribution et de diffusion quasi inexistants, déséquilibre de la production littéraire et des échanges... Les difficultés des éditeurs africains pour envoyer leur livre en France ne manquent pas. Pourtant, des solutions existent.

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Par Adriano Tiniscopa
Créé le 04.08.2023 à 16h43

« Je profite de toutes les occasions qu’ont mes amis d’aller à Paris pour qu’ils transportent mes livres, et une fois là-bas, il reste encore les frais postaux à régler pour les acheminer jusqu’à la bonne adresse », explique Aliou Sow, directeur des éditions Ganndal installées à Conakry (Guinée). Faute d’un réseau de distribution et de diffusion structuré dans son pays et sans interlocuteurs privilégiés entre les deux pays, la valise reste la méthode privilégiée pour Aliou Sow pour envoyer ses livres jusqu’aux librairies françaises. Pour certains titres, il arrive toutefois que l’éditeur guinéen travaille avec le distributeur Pollen-Difpop qui diffuse également les catalogues de plusieurs maisons africaines.

L'onéreux transport des livres

Supporter le coût de la logistique demeure un souci majeur pour les éditeurs africains qui doivent le plus souvent régler les frais de fret pour répondre à une commande d’éditeur français. Chaque maison d'édition africaine se fait alors l’artisan de sa propre distribution et diffusion. Pour Prudentienne Houngnibo, qui tient la librairie Notre-Dame à Cotonou au Bénin (lauréate du Grand Prix Livres Hebdo les librairies 2020), et vice-présidente de l'Association internationale des libraires francophones, « le poids au kilo pour acheminer un livre édité au Bénin en France est vraiment trop cher ». A titre de comparaison, pour expédier un colis de cinq kilos au Cameroun via DHL, il en coûte 120 000 francs CFA, soit 185 euros.

Pour expédier un colis de Conakry (Guinée) à Paris, « le prix au kilo oscille entre dix et onze dollars », explique de son côté Aliou Sow. Sans parler des délais entre l’expédition et la réception. En avion, l’acheminement varie entre une et deux semaines, « si ton colis ne se perd pas en cours de route », ajoute Prudentienne Houngnibo. « Alors que la circulation des livres de la France vers l’Afrique subsaharienne fonctionne mieux », constate Laurence Hugues. La directrice de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants déplore ce déséquilibre.

Cession de droits ou coédition pour être présents en France

Pour faire vivre leur fond en France et palier les difficultés structurelles liées à la diffusion et la distribution, certaines maisons africaines préfèrent alors céder les droits de leurs titres à des éditeurs français qui les rééditent ensuite. « L’exemple marquant c’est Les impatientes (Emmanuelle Collas, 2020), qui a d’abord été publié sous le titre de Munyal, les larmes de la patience chez Proximité (2019), un éditeur camerounais », fait savoir Laurence Hugues. D’autres maisons signent des partenariats avec leurs homologues français afin d’avoir une présence dans l’Hexagone comme le font les éditions algériennes Barzakh par exemple. L'autre ruse est de profiter des salons du livre européens où ils se rendent pour acheminer leur stock. Certains gouvernements africains ayant mis la main à la poche ces dernières années pour permettre à leurs éditeurs d'être visible à l'international et les accompagnent financièrement pour qu'ils se rendent aux rendez-vous professionnels.

D’autres maisons, comme Elyzad en Tunisie, contractualise directement avec Harmonia Mundi en France, travaille avec Clairefontaine au Maghreb, Servidis en Suisse ou encore Dimedia au Canada... Mais pour Laurence Hugues, c’est une situation marginale car « c’est un coût inadapté aux réalités économiques des maisons d’édition africaines francophones ». « Il faut qu’il y ait du flux pour que, en termes de distribution et de diffusion ce soit économiquement intéressant », poursuit-elle.

Quelques solutions pérennes

Epaulés par les institutions de la francophonie, certains dispositifs ou organismes parviennent à offrir quelques solutions pour soutenir la chaîne du livre africaine. L’association Afrilivres regroupe des éditeurs d’Afrique francophone subsaharienne, de Madagascar et de l’Île Maurice et est soutenue par le ministère des Affaires étrangères et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Alliance internationale des éditeurs indépendants (AIEI). Ntsame (Gabon), Ndzé (Cameroun), Graines de Pensées (Togo)... Plus d’une trentaine d’éditeurs africains francophones sont présents sur le site d’Afrilivres. Ancienne directrice de vente chez Actes Sud, L'Harmattan et Karthala, Isabelle Grémillet a lancé l'association L'Oiseau Indigo en 2009, un service de diffusion et de promotion des éditeurs du Sud vers le marché du livre français en partenariat avec Pollen pour la distribution. Aujourd'hui la structure ne se charge que de la promotion.

Face à ces défis structurels, l’éditeur guinéen Aliou Sow en appelle alors à « un effort de solidarité entre le Nord et le Sud pour que les livres africains puissent être reçus auprès de la diaspora africaine en France » qui constitue à ses yeux une importante masse de lecteurs.

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