En France, on connaît encore mal Philip Caputo, écrivain de renom et grand reporter couronné par le prix Pulitzer. Seuls deux de ses livres ont été traduits chez Albin Michel dans les années 1980 - son premier roman, La corne de l'Afrique, finaliste du National Book Award, et le suivant, La dernière guerre de DelCorso - malheureusement épuisés. Son texte le plus connu, A rumor of war (1977), où il revient sur son expérience au Vietnam (1 million d'exemplaires vendus aux Etats-Unis), reste curieusement inédit.
Mais voilà que Philip Caputo réapparaît au Cherche Midi avec Clandestin, un roman très construit où s'entremêlent plusieurs histoires. D'abord celle du jeune Ben Erskine, né à la fin du XIXe siècle, qui lance le couteau avec trop de précision pour se blesser. Fils d'un agent des douanes mort d'un coup de sabot de cheval, Ben n'est pas le genre à s'en laisser conter. On le verra tout à tour égorger un voleur de chevaux au Mexique, travailler dans une mine, partir se battre aux côtés de Pancho Villa, "pour l'or et la gloire".
Caputo nous narre aussi les mésaventures de Gil Castle à la fin du XXe siècle. Financier new-yorkais, il a perdu sa seconde épouse dans les attentats du 11-Septembre. Amanda avait le malheur de se trouver dans l'un des deux avions qui se sont encastrés dans les Twins Towers. Depuis, Castle consulte deux fois par semaines à la Maison de l'espoir, mais rien n'y fait, il est toujours fou de douleur et s'est même demandé fugacement s'il n'allait pas en finir. Il décide de se couper du monde et trouve refuge avec sa chienne Samantha dans un ranch à San Ignacio. Il y lit Sénèque, boit du whisky quand il ne s'en va pas chasser la caille. Jusqu'au jour où il en vient à sauver un Mexicain ayant franchi clandestinement la frontière. Avant de découvrir le corps des passeurs de drogue assassinés. Le lecteur apprend que Ben Erskine était le grand-père de Castle. Qu'après avoir été soldat de fortune, il a été shérif du comté de Santa Cruz dans les années 1920 et 1930...
Très incarné et difficile à lâcher, Clandestin frappe par son souffle, ses personnages, ses rebondissements. Sa manière de parler d'une Amérique en prise avec la violence, la guerre, le trafic de drogue et l'immigration. Ce coup-ci, plus personne ne risque d'ignorer le nom de Philip Caputo !