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La critique face à « la maladie des étoiles » : l'exemple du cinéma

Philippe Rouyer, président du Syndicat français de la critique de cinéma et des films de télévision. - Photo © @Aurélie Lamachère

La critique face à « la maladie des étoiles » : l'exemple du cinéma

Coups de cœur et notation face à la critique : en littérature, la prescription et la recommandation sont désormais une histoire d'algorithmes et d'influenceurs. En cinéma aussi. Président du Syndicat français de la critique de cinéma et des films de télévision et journaliste critique, Philippe Rouyer combat l'idée que la critique a perdu son rôle. Au contraire, elle a encore du poids et de l'impact.

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Par Cécilia Lacour,
Créé le 16.11.2021 à 09h30

Quel internaute, en France, ne connaît pas AlloCiné ? Probablement aucun. Depuis sa création, en 1993, cette plateforme s'est imposée comme un acteur incontournable du monde du cinéma. Média d'information, service de réservation de billets en ligne ou encore guide de cinéma, le site propose également à ses sept millions de cinéphiles inscrits de noter et critiquer les œuvres cinématographiques. Son succès a très tôt confronté les critiques de cinéma à l'émergence de la recommandation en ligne. Mais sans pour autant les inquiéter franchement.

« La recommandation est l'équivalent de ce qu'on appelait autrement le bouche-à-oreille », relativise Philippe Rouyer, président du Syndicat français de la critique de cinéma et des films de télévision, et journaliste critique pour Positif, Psychologies magazine et l'émission « Le Cercle », diffusée sur Canal +. Face à une offre pléthorique et une consommation culturelle de plus en plus rapide, « le bouche-à-oreille oral n'est plus possible avec des films qui ne restent pas suffisamment longtemps en salles », permettant ainsi l'émergence de plateformes sur lesquels les internautes ont accès « en un clic à des avis et peuvent confronter des points de vue ». Autre facteur, selon lui : « Des spectateurs préfèrent regarder les avis d'autres spectateurs ou avoir un avis global parce qu'il existe une défiance vis-à-vis de la presse et un décalage avec des critiques proposant parfois des points de vue ultra-pointus ». Sans compter que les spectateurs ont souvent « la flemme de lire tout un article quand trois lignes leur suffisent. C'est la maladie des étoiles ».

Poids de la critique

De là à ce que la recommandation puisse se substituer à la critique traditionnelle ? « Trois éléments peuvent influer sur la vie d'un film : le succès public, le succès critique et la reconnaissance des pairs à travers des prix. Même si la critique ne suffit pas à faire entrer des personnes dans les salles, elle permet de faire vivre un film ou aux cinéastes de demander des subventions pour leurs œuvres suivantes », souligne Philippe Rouyer. Parce qu'elle est « un métier, la critique est censée être davantage étayée que la recommandation. Un critique a vu les films précédents d'un cinéaste et est supposé avoir un œil exercé. La critique a donc quand même un poids, notamment auprès d'un public cinéphile », complète le journaliste.

Un poids mais aussi un impact. Si celui-ci est difficilement quantifiable, il existe néanmoins. « Nous n'avons pas d'impact sur les blockbusters mais sur les films plus pointus, les films d'auteur. Il ne faut pas oublier que la critique a fait la réputation d'un certain nombre de cinéastes comme Xavier Dolan. Il a été repéré par la critique et d'un coup, tout le monde est allé voir Mommy ! C'est pareil pour Nicolas Winding Refn avec Drive », note-t-il. Pour autant, le critique n'oppose pas son métier à la recommandation. Les deux sont « complémentaires et nécessaires pour défendre des films d'auteur face à une telle production cinématographique », assure Philippe Rouyer.

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