Aborder les rêves par la sociologie. Le projet est gonflé, le pari réussi. Bernard Lahire (ENS Lyon) est un homme de méthode. Quand il s’empare d’un sujet, il amasse une documentation considérable, ce qui donne au lecteur de ses ouvrages l’impression quelquefois d’entrer dans une forêt inextricable. Et puis, une fois dedans, on circule avec plaisir dans ces savoirs organisés car on découvre des points de vue inattendus et des considérations originales.
Ce chercheur - il a reçu la médaille d’argent du CNRS en 2012 - utilise l’outil sociologique comme un couteau suisse dans les domaines de la littérature (Franz Kafka, La Découverte, 2010, repris en "Découverte poche" le 8 février), de l’art (Ceci n’est pas qu’un tableau, La Découverte, 2015) ou des pratiques culturelles (La culture des individus, La Découverte, 2004).
Il entre encore un peu plus dans l’intime avec ce pari d’une interprétation scientifique des rêves. Cet objet indissociable de la psychanalyse, disséqué par la psychologie et les neurosciences, est passé sous le scanner des sciences sociales au-delà de Freud, en posant des questions théoriquement et empiriquement fondées. En quoi le rêve est-il social ? Comment cette réalité individuelle trouve-t-elle son ancrage dans le collectif ? Y a-t-il une lucidité du rêve ?
Bernard Lahire s’engage dans une "théorie générale de l’expression onirique" extrêmement stimulante qui tente de montrer le processus de fabrication social des rêves. Ce premier volume qui retrace l’approche expérimentale sera suivi d’un second sur l’exploration systématique des songes. On l’attend avec impatience. L. L.