Essai/France 23 janvier Jérôme Bastianelli

Vinteuil fait partie de ces personnages, secondaires certes, mais non point accessoires, qui participent de l'exceptionnelle richesse d'A la recherche du temps perdu. Son nom y est d'ailleurs cité 169 fois, ce qui n'est pas négligeable. Modeste professeur de piano, on découvre qu'il compose également, et qu'il est notamment l'auteur d'une sonate pour piano et violon, laquelle produit sur la jalousie de Swann envers Odette un effet aggravant. Un passage, surtout, une « phrase » qui y revient constamment, obsédante. Monsieur Vinteuil, veuf, est aussi le père d'une jeune fille perverse, qui s'adonne à des amours transgressives, en écoutant la fameuse sonate. Le narrateur la soupçonnera même d'avoir entretenu des relations saphiques avec « son » Albertine.

Vinteuil - comme le peintre Elstir, l'écrivain Bergotte, l'actrice la Berma - est une créature composite, où Proust s'est plu à mêler, selon ses propres aveux, plusieurs « modèles » connus : César Franck, Saint-Saëns, Fauré. Jérôme Bastianelli, pour sa part, proustologue et musicologue éminent, est allé plus loin : il a inventé à Vinteuil un prénom, Georges, et une « vraie-fausse » vie, de 1817 à 1895. Il en fait même le fils clandestin du curé d'Illiers, l'abbé Petitpierre. Il le dote aussi d'une œuvre abondante. Tout cela, plausible, documenté, décodé à la fin non sans humour, est érudit, brillant, et réjouira les aficionados de la Recherche, sur quoi il projette un éclairage inédit. Un genre de prouesse littéraire.

Jérôme Bastianelli
La vraie vie de Vinteuil
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20,90 euros ; 272 p.
ISBN: 9782246817291

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