L’idée de ce livre est née du vivant de Jimi Hendrix (1942-1970). Alan Douglas, producteur de stars du blues, et Peter Neal, documentariste, avaient projeté de tourner un film biographique sur Hendrix, nourri des paroles de ses chansons, de ses interviews, de ses lettres et de textes divers. A la fin de sa vie, Hendrix, épuisé par des années de lutte pour échapper à la misère, puis de tournées intensives, pensait arrêter la scène pour se consacrer à l’écriture, au théâtre, au cinéma. Dévoré par le show-biz, il n’en a pas eu le temps.
Le film restant à venir, existe aujourd’hui ce livre, illustré de dessins de Bill Sienkewicz, qui peut être considéré comme une œuvre d’Hendrix, entièrement de sa main. Mémoire d’outre-monde est organisé de la naissance à Seattle, le 27 novembre 1942, dans une famille où l’on a du sang cherokee, de James Marshall Hendrix, jusqu’à sa mort inexpliquée, à Londres, le 18 septembre 1970. De son enfance pauvre et chaotique - sa mère est morte quand il avait 16 ans -, on retiendra ses séjours près de Vancouver, dans la réserve où vivait sa grand-mère indienne, dans des conditions qui l’horrifient. Ses premières admirations musicales : Muddy Waters, Chuck Berry, puis les Beatles et Bob Dylan. Très tôt, le surdoué gaucher autodidacte, « plus musicien que parolier », dit-il, se lance dans la musique. Il monte son premier groupe à 17 ans, commence à tourner, traînant sa misère de Nashville à New York, se fait remarquer sur scène en jouant de la guitare avec les dents. Et puis, en 1966, arrive la reconnaissance, d’abord en Angleterre, son pays d’accueil, du Jimi Hendrix Experience, puis à l’international. Il partage l’Olympia avec Johnny Hallyday, reprend « Hey Joe », sort son premier album, Are you experienced ?, en 1967, qui fait un tabac. Vont s’ensuivre quelques années de folie, de défoulement créatif tous azimuts, de prestations scéniques hallucinées, comme à Woodstock, en 1969. Concert qui marque la fin de l’Experience et aussi le début d’une descente aux enfers pour Jimi. Trop sincère, ce garçon drôle et cultivé, tourmenté, qui cherchait du côté de la spiritualité un antidote à la violence du matérialisme, voulait seulement « captiver les gens et leur raconter le monde ». Ce monde pour qui le petit prince du blues n’était pas fait. J.-C. P.