Dictionnaire/France 30 octobre Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi

Le premier, Alain Mabanckou, est né à Pointe-Noire, dans ce que l'on appelait alors le Congo-Brazzaville, par opposition au Congo-Kinshasa. Le pays se nomme aujourd'hui République du Congo, et son voisin République démocratique du Congo, ex-Zaïre. Le second, Abdourahman Waberi, est de Djibouti. Un Africain du centre du continent, donc, et un de sa corne. Ils se sont rencontrés étudiants en France, et sont tous deux professeurs aux Etats-Unis, l'un à l'Université de Californie, l'autre à celle de Washington. Ecrivains, ils projetaient depuis longtemps un livre à quatre mains. Le voici qui paraît, défini comme « une sorte de promenade à travers les cultures africaines », « un abécédaire buissonnier », ou encore « une mythographie » visant à célébrer la créativité de l'Afrique, dans tous les domaines, telle qu'elle est enfin en passe d'être reconnue par le reste du monde après avoir été trop longtemps minorée, en partie à cause des colonisations qu'elle a subies de la part des puissances européennes. Cela dit, aujourd'hui, c'est de façon tout aussi brutale quoique plus insidieuse que l'Afrique est en train d'être recolonisée par les Chinois, à grand renfort de milliards de yans.

Partant de quelques articles préexistants, Mabanckou et Waberi ont rédigé plus de 120 entrées, d'Abacost : pour « à bas le costume », ce veston d'homme au col sans revers né en 1972 au Zaïre, imposé par le dictateur Mobutu Sese Seko pour marquer son « africanité » face à la mode occidentale, à Zemidjian, qui signifie, en fon, la langue du sud du Bénin, « emmène-moi vite ». Abrégé en zem, le mot désigne une moto-taxi privée, qui pallie les carences des transports publics. On connaît la créativité langagière des Africains, qui contribue à irriguer et à renouveler ce français que les centaines de millions de francophones du monde ont « en partage ».

Politique, art de vivre, gastronomie (avec la recette du fonio selon le chef Pierre Thiam, Sénégalais de Brooklyn), figures célèbres, comme le franco-algéro-camerounais Kylian Mbappé, considéré comme un symbole de réussite et de l'intégration à la française, ou Barack Obama, lequel bénéficie d'un article bien lyrique, alors qu'on ne peut pas dire que ses deux mandats, en dehors de grands discours et de pieuses déclarations d'intention, aient été très positifs pour le continent africain. Mais l'essentiel du dictionnaire est consacré à la culture et aux écrivains. On rappelle le nom du bien oublié René Maran, auteur de Batouala, sous-titré « véritable roman nègre », le premier écrivain noir à recevoir le Goncourt, en 1921. On salue l'engagement pro-africain de Gide, avec son Voyage au Congo (1927), puis sa contribution à la création de la revue Présence africaine, en 1947. On célèbre la capverdienne Cesària Evora, la diva aux pieds nus. En revanche, rien sur Youssou N'Dour, Alpha Blondy ou Angélique Kidjo. Pas d'article sur l'incontournable magazine Jeune Afrique et par rapport à l'Afrique noire, le Maghreb est sous-traité.

Peu importe : Mabanckou et Waberi laissent entendre que leur vaste entreprise connaîtra une suite. On l'attend déjà.

Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi
Dictionnaire des cultures africaines (TP)
Fayard
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 20 euros ; 342 p.
ISBN: 9782213706047

Les dernières
actualités