En ce jeudi 3 juillet, à neuf heures du matin, une foule composite se presse sur le quai du RER B à la station gare du Nord. Certains vont au bureau, d’autres, chargés de valises, à l’aéroport… Et puis il y a ceux, affublés de perruques et de grandes épées, qui se retrouvent en famille ou entre amis, avec un enthousiasme palpable.
Une mère ajuste la perruque d’un vert éclatant de son petit garçon. Ils descendront à la station du Parc des expositions-Villepinte, où se déroule actuellement la Japan Expo, plus grand festival d'Europe dédié à la pop culture. Quatre jours de convention, 969 exposants, 674 activités et, espèrent les organisateurs, un taux de fréquentation plus élevé que l’année dernière, quand l'évènement se télescopait avec les Jeux olympiques de Paris.
Du monde pour un jeudi matin
Alors que le festival vient tout juste de donner son coup d’envoi, les couloirs sinueux du parc sont grouillants de monde, et certains festivaliers arborent déjà des caddies bien remplis. Responsable éditorial manga de Glénat, Benoît Huot constate une forte affluence. Mais qui sont ces visiteurs si matinaux ? « Le lectorat qui a déjà sa liste de courses, et qui ne veut pas louper les collectors et les goodies », explique-t-il à Livres Hebdo.
Pour distraire des éternels shōnens dont leurs présentoirs sont couverts (One Piece en tête) l’éditeur partage son coup de cœur de l’été : Ruridragon de Masaoki Shindo, dont le premier tome a paru le 2 juillet. Révélée par le Shōnen Jump, cette histoire à propos d’une lycéenne mi-fille mi-dragon est, pour Benoît Huot, un « manga Kinder-maxi », qui offre des « moments de douceur » idéaux par les temps qui courent.
Un retour remarqué
À quelques stands de là, une résurrection. La maison d’édition Noeve Grafx, menacée de fermeture avant l’intervention du distributeur IDP (Meian, Hana), est présente avec une soixantaine de titres vendus en avant-première. « Beaucoup de gens sont venus nous voir pour nous dire : “Tiens, vous êtes revenus !” » rit le rédacteur du site Light Novel France Cheikhspeare, venu donner un coup de main à ses confrères.
Réputé pour son catalogue sortant des sentiers battus, Noeve Grafx a dû, pour se maintenir à flots, renoncer aux couvertures plus « léchées », et ralentir la production de coffrets et éditions Deluxe. Toujours selon Cheikhspeare, même si l'accueil est positif, « nous devons encore regagner la confiance du public, qui a désormais tendance à attendre la parution d’une série dans son intégralité pour l’acheter. » Une réflexion partagée par Benoît Huot : « Il y a en ce moment une forte demande de séries courtes, qui sont plus avantageuses économiquement et en temps pour le public. »
Des mangas pour tous les âges
Un public qui, de prime abord, peut surprendre. Il faut dire que depuis ses débuts, la Japan Expo a vu augmenter le nombre de poussettes qui foulent son sol et les enfants en bas âge. Eux aussi ont droit à leur offre, comme en attestent plusieurs rayons « 8 ans et plus », et l’organisation d’une rencontre vendredi autour de la collection Le Renard Doré, lancée par L’École des loisirs/Rue de Sèvres.
Exit l’époque où les jeunes ados devaient traîner leurs parents à la Japan Expo ; aujourd’hui, le rapport de force tend à s’inverser. « La génération qui a grandi avec les mangas et les animes est désormais en âge de procréer, analyse l’influenceuse et graphiste Meyra. Certains jeunes adultes passionnés amènent donc leurs enfants pour leur faire découvrir cet univers. »
Comme une ambiance de retrouvailles familiales, donc. Et que serait une famille sans ses marginaux ? Cette année, ils sont réunis à l’entrée de la manifestation, à l’initiative de l’application Mangas.io. « Ce fonctionnement évite que les petites maisons indés soit exclues aux quatre coins de la convention » considère Laurent Schelkens, directeur de la maison belge Shiba éditions et libraire.
C’est dans cette atmosphère joyeuse que commence la Japan Expo. Joyeuse et fantaisiste, car, dans quel autre festival peut-on voir un dinosaure faire la queue pour un sandwich ?
