Juridique

Huis clos : sortir d’un contrat de photocopieur

La photocopieuse - Photo Olivier Dion

Huis clos : sortir d’un contrat de photocopieur

Toute entreprise qui a été enfermée dans un contrat de location de photocopieur sait combien la liberté est précieuse en la matière et que l’enfer, ce sont les contrats interdépendants. Heureusement, la Cour de cassation vient de clarifier une situation qui apparaissait incertaine après l’importante réforme du droit des contrats en 2016 (Cass. com., 10 janv. 2024, n° 22-20.466, Assoc. Aide et action c/ Sté Leasecom).

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Par Alexandre Duval-Stalla
Créé le 28.06.2024 à 12h13

Dans les faits, pour disposer d’un photocopieur, il est nécessaire de conclure deux contrats : le premier qui est un contrat de location financière de la machine avec un établissement de crédit et le second qui est un contrat de maintenance du photocopieur. Souvent, les clients ne comprennent pas toujours qu’avec ces contrats interdépendants, il leur sera difficile de mettre fin à ces contrats, notamment si le contrat de maintenance cesse. C’est alors un enfer pour en sortir.

En l’espèce, la société de maintenance était tombée en liquidation judiciaire et le client avait résilié le contrat de maintenance. Elle avait également notifié la caducité du contrat de location financière à la société de financement qui réclamait, en réponse, la restitution du matériel, le paiement des loyers et l'indemnité de résiliation. La triple peine…

Depuis plus de dix ans, la jurisprudence relative à l'interdépendance des contrats concomitants ou successifs qui relevaient d’une opération incluant une location financière n'avait pas changé depuis une décision importante de la Cour de cassation réunie en chambre mixte de 2013. Il était ainsi admis systématiquement l'interdépendance dans tout groupe de contrats réunissant un contrat de fourniture de matériel informatique, un contrat de maintenance et un contrat de location financière. L'interdépendance s'inférait en soi de la présence d'un contrat de location financière au sein du groupe de contrats. Les conséquences étaient claires : la résiliation du contrat de fourniture du matériel et/ou celle du contrat de maintenance entraînait la caducité du contrat de location financière ; sans que cet effet ne puisse être neutralisé par une clause contraire (Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927 et 11-22.768).

La Cour de cassation a réitéré sa position de principe

Depuis l’importante réforme du droit des contrats de 2016, la question qui se posait était de savoir si ces règles subsisteraient aux nouvelles dispositions de l'article 1186 du Code civil. En effet, autant la solution posée par la chambre mixte le 17 mai 2013 présentait un caractère systématique, autant les cas d'interdépendance prévu par l'article 1186 du Code civil perdaient cette automaticité et devaient être caractérisés. D’où l’incertitude juridique.

Par cet arrêt du 10 janvier 2024, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a enfin clarifié la situation en réitérant sans hésiter sa position de principe et en refusant clairement de la faire évoluer en jugeant que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivaient dans une opération incluant une location financière étant interdépendants. Il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

Enfin, la Cour de cassation confirme que, dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance. La réforme de 2016 n’aura donc en rien changé à la position de principe de la Cour de cassation.

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