18 AOÛT - ROMAN France

De quoi s'agit-il ? D'un pays, le nôtre, et de comment, guerre après guerre, il apprit à mourir. Tout commence début 1991 lorsque, sur son écran de télévision, le narrateur, jeune homme sans qualités ni projets, si ce n'est celui de se laisser vivre, assiste au départ pour le front du Golfe du régiment des spahis de Valence. Et envisage l'Histoire, non comme une fin, mais un éternel recommencement. Tout se poursuivra quelque temps plus tard lorsque, de retour à Lyon, le même jeune homme fait la connaissance de Victorien Salagnon, un vieux peintre et militaire, qui fut à partir d'Uriage et du maquis en 1943 de toutes les guerres, et notamment de celles, coloniales, par lesquelles la France rejoignit le camp des assassins...

Toutefois, ne nous y trompons pas, ce n'est pas de l'extinction progressive de la "chanson de geste" militaire française que souhaite nous entretenir Alexis Jenni, mais aussi du lien défait qui unissait ce pays à sa langue et, paradoxalement, structurait son rapport au monde et à l'altérité. Quoi qu'il en soit, on demeure saisi devant l'ampleur du propos, sa maîtrise, la croyance folle devant les vertus du romanesque dont témoigne L'art français de la guerre. Sa parution sous l'égide de la NRF semble s'inscrire dans le droit-fil d'oeuvres récentes identiquement monstres et endeuillées du poids de l'Histoire : Les Bienveillantes, mais également le Waltenberg d'Hédi Kaddour et Le siècle des nuages de Philippe Forest. Il est, en matière d'entrée dans la carrière, des compagnies plus déplaisantes... Surtout si l'on veut bien leur adjoindre celles de Dostoïevski pour la leçon de ténèbres et d'Antonio Lobo Antunes dont, en lecteur averti, Jenni a retenu quelque chose de son génie pour porter la plume au coeur de la bataille. Où avait-on déjà lu avec cette précision hallucinatoire un tel récit de la résistance ou de l'Algérie ? Balançant entre le présent incertain de son narrateur et les deuils successifs de son héros, Alexis Jenni, virtuose dans l'art de mélanger les deux récits, parvient à dévoiler peu à peu le coeur même de son livre : la rencontre entre deux hommes, dont l'un reconnaît les chagrins de l'autre comme siens.

Les dernières
actualités