Dans le dos noir du temps. Parmi les romanciers de la génération dorée qui dans les années 1970 et 1980 redonnèrent aux lettres britanniques la place qui est naturellement la leur − la première −, de Martin Amis à Ian McEwan et de Julian Barnes à John Banville, pour ne rien dire de David Lodge, William Boyd ou Kazuo Ishiguro, il convient de ne pas oublier Graham Swift. Les lecteurs du Pays des eaux (Robert Laffont, 1985) ou de À tout jamais (Gallimard, 1993) ne peuvent oublier ni la puissance romanesque de son inspiration, ni l'étendue de sa palette mariant tour à tour le récit historique et le roman d'analyse psychologique. So british, sans doute, mais tellement élégant et brillant.
L'élégance et l'infinie subtilité de Swift, on les retrouve à leur meilleur dans son nouveau livre, Douze histoires d'après-guerre, un recueil de nouvelles dont le titre n'est pas forcément à prendre tout à fait au pied de la lettre. En effet, les guerres dont il est ici question ne sont pas toutes absolument synonymes de conflits guerriers (même si, c'est vrai, les échos de la Seconde Guerre mondiale sont très présents). Certaines d'entre elles sont plus intimes et relèvent plutôt de l'héritage de chagrin, de perte, de mélancolie des personnages qui traversent chacune d'entre elles. Un soldat juif anglais en poste en Allemagne en 1959 s'adresse à un major allemand pour essayer de déterminer ce qu'il en fut du sort des siens, déportés et disparus à jamais. Un médecin à la retraite, veuf, qui reprend du service durant le dernier confinement, se souvient du jour anniversaire de ses 10 ans et combien alors l'avenir promettait de durer... À Londres, le 11 septembre 2001, une gouvernante d'origine philippine qui s'apprête à faire ses adieux à l'enfant de diplomates américains dont elle s'occupe se demande si le fait d'être née le même jour que l'assassinat de Kennedy a eu un quelconque rôle dans son destin. En Angleterre, un veuf arpente un campus universitaire pour retrouver la chambre où quelques semaines auparavant sa petite-fille de 18 ans s'est donné la mort. Il est troublé par la beauté de la femme, doyenne de la faculté, qui l'accompagne.
Rien n'est sinistre dans ces histoires où il n'est au fond question que d'amour et de temps passé. Tout y rayonne de la lumière d'une terrible douceur. Celle des anges.
Douze histoires d'après-guerre
Gallimard
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 23 € ; 288 p.
ISBN: 9782073079619