"Le Brésil, on l’aime ou on le quitte." Chico Buarque est un enfant du pays. Né en 1944 à Rio de Janeiro, ce compositeur et écrivain mène bien sa barque. Sa musique et ses pièces de théâtre défient la censure pour dénoncer la dictature. Outre une discographie impressionnante, il signe des poèmes, des nouvelles et des romans. Le dernier-né est autobiographique. Il lève un coin de voile sur son enfance entre une mère au foyer et un père collectionneur de livres. Celui-ci lui transmet "le virus de la littérature". "C’était aux livres que je me cramponnais depuis que j’étais tout petit", se souvient le narrateur.
On croit connaître ses parents. Mais Francisco (alias Chico) découvre par hasard un pan inédit de la vie de son père. Une lettre secrète émane d’une femme visiblement amoureuse. Le héros sait que son père a vécu à Berlin entre 1929 et 1930. "Il n’est pas difficile d’imaginer" que ce célibataire "ait eu une liaison avec une Fräulein quelconque". Or la demoiselle en question n’incarne pas qu’une passade. Une photo compromettante en est la preuve. Elle représente une "femme radieuse, très maîtresse d’elle-même et de mon père, avec son enfant à lui, comme un roi, dans son ventre".
Passé le choc, le narrateur se surprend à "imaginer l’idylle secrète, [il] joue déjà à [se] chercher un frère allemand". L’auteur devient alors détective. Son enquête, pleine de zones d’ombre, se prête à d’innombrables suppositions. Le style, parfois brouillon, renforce sa confusion. "Même si je ne parviens pas à savoir ce que mon frère est devenu, mon voyage vaut déjà la peine." Un roman d’apprentissage, agrémenté de notes, de lettres et de photos. De quoi donner un cachet d’authenticité à ce chemin semé d’embûches, qui mènera l’auteur à une part inconnue de lui-même.
Kerenn Elkaïm