L’annonce du
décès d’Hervé Renard, emporté prématurément par le cancer le 2 août dernier, est un choc pour tous les professionnels attachés à une meilleure connaissance des rouages complexes de la "chaîne du livre". Depuis le début des années 1980, au sein de la Direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture, il a été la cheville ouvrière de multiples travaux et études sur la question, dont beaucoup d’entre nous ignorent l’importance pour l’exercice quotidien de nos métiers. Éditeur, j’ai eu à maintes reprises, tout au long de ces années, l’occasion de collaborer avec Hervé Renard sur certains de ses chantiers. Et je voudrais dire, outre le plaisir d’échanger avec un homme toujours curieux et attentif, mon admiration pour la rigueur et la qualité de son travail, sans lesquelles nous serions aujourd’hui bien plus démunis.
Je me souviens en particulier de la revue qu’il a dirigée de 1989 à 1994, les
Cahiers de l’économie du livre : alors que l’édition comme la librairie étaient marquées par de profonds bouleversements (poursuite de la concentration, transformations des outils de commandes des libraires et de transport du livre, combats pour le droit d’auteur en matière de reprographie et de prêts en bibliothèques, etc.), on y trouvait maintes études remarquablement documentées. Lesquelles n’ont pas peu contribué, à l’époque, à la mobilisation collective des professionnels, éditeurs et libraires, pour prendre ces nouveaux problèmes à bras-le-corps. Mais aussi à l’action publique des successifs directeurs du livre et de la lecture et présidents du CNL.
"Merci Hervé"
Depuis, il continuait à animer l’
Observatoire de l’économie du livre, dont les statistiques régulièrement produites, parallèlement aux travaux du Département des études de la prospective et des statistiques du ministère (dont les fameuses études sur les pratiques culturelles des Français), constituaient toujours un guide précieux pour les choix au quotidien de nos entreprises.
Il avait pleinement pris la mesure des nouveaux bouleversements apportés depuis les années 2000 par l’édition numérique, que ce soit au plan économique ou au plan juridique, avec l’irruption sur nos terrains de nouveaux acteurs comme Google ou Amazon, ou de réglementations nouvelles désormais plus souvent élaborées à Bruxelles qu’à Paris. J’en ai encore été le témoin en 2018 et 2019, quand Hervé Renard a piloté avec brio pour le Comité de suivi de l’édition scientifique une étude complexe sur l’évolution de l’économie des revues de sciences humaines et sociales, laboratoire particulièrement pertinent pour comprendre les transformations de pans entiers de l’édition.
Avec ses collègues compétents et dévoués de la Direction du livre et de la lecture — malheureusement ramenée en 2008 au rang d’un simple "service" —, Hervé Renard a fait partie de ces fonctionnaires de l’ombre du ministère de la Culture qui continuent, au-delà des avatars politiques, à apporter un soutien décisif aux acteurs de la chaîne du livre, auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires. Il avait, par ses travaux, œuvré à l’affirmation d’une précieuse boussole pour bien d’entre eux. Cette œuvre restera et c’est pourquoi je tenais simplement à lui dire : merci Hervé !