« Vendredi 13 mars, la bibliothèque universitaire de Paris 8-Vincennes-Saint-Denis s’apprête à fermer pour une durée indéfinie. L’équipe déploie ses forces pour aider une foule d’usagers à faire provision de livres et de DVD. Et la dernière formation s’achève sur une pointe d’émotion. Nous partons à reculons.
« Comment être ensemble ? » (Florence)
Aux premiers jours du confinement, Goran et moi réfléchissons avec notre direction au maintien d’une continuité pédagogique. Contact des enseignants et étudiants de la Licence au Doctorat, envoi des supports des formateurs, dépôt dans la base Moodle... Mais comment être ensemble ? Nous testons à six quelques outils de visioconférence, puis chacun choisit (logiciels libres ou propriétaires, navigateur, partage d’écran, ergonomie, qualité audiovisuelle, contrôle des micros et économie de bande passante). Certaines formations se tiendront en direct, avec une captation dans Moodle ou dans la bibliothèque numérique Octaviana. D’autres seront des tête-à-tête "dématérialisés".
"Déposer et diffuser sa thèse" en live sur BBB : une première ! J’"entre" dans la salle virtuelle et les inscrits "apparaissent" à leur tour à l’écran. Ils choisissent la posture d’auditeurs, sans micro ni caméra. Je les salue un à un, ils me répondent par
"chat". Le diaporama est lancé, le propos aussi, et je reste visible dans un angle, à l’instar d’une speakerine. Je redoute une panne technique mais les messages confirment que tout fonctionne. J’essaie de m’adapter au rythme de personnes que je ne vois pas. Cela me rappelle une expérience de radio en direct, mais sans pause musicale et en régie maison. 90 minutes plus tard, la scène se vide. Reste un mur de mots bienveillants. Joie puis solitude. Vaincre le confinement de l’esprit.
« Un virus introduit le co-vide » (Goran)
Associé à la même mission de pédagogie à distance que Florence, j’ai dû l’articuler avec mon expérience personnelle. Confinés dans notre appartement du 19e arrondissement avec mon épouse, mon fils de cinq ans, mon chien Akita Inu, mon chat et ma tortue, nous avons pu trouver chacun notre place au fil des jours afin de nous adapter à
"The New Normal". Le monde s’est mis au ralenti, mais l’esprit a pris une tournure inattendue. Faute de contacts physiques, privé de mon activité habituelle entre le service des formations et celui des chercheurs du SCD, soudain la quarantaine (Le Clézio) impose une expérience du vide.
Nous avions la coprésence, voilà qu’un virus introduit le co-vide. Et puis, la mauvaise nouvelle tombe, notre collègue
"a le Covid-19" et elle est hospitalisée. Nous prenons brutalement conscience de la grande fragilité de notre monde. C’est le moment ou jamais de retisser des liens autrement avec les doctorants et les chercheurs afin d’assurer une continuité des services, par visioconférence. Ma première sur Zoom porte sur le numérique et la valorisation des résultats de la recherche et se déroule étonnamment très bien, le nombre des participants dépassant largement les attentes. Une motivation de plus pour maintenir les formations annoncées, sur un sujet qui revient constamment : ouvrir la science à tous. La catastrophe sanitaire a généré la mise à disposition gratuite de centaines de publications par les revues scientifiques et les bases de données. Fallait-il une telle crise pour que l’accès au savoir et aux données de la recherche commence à se libérer ? La suite majeure de cette crise de confinement sera certes la manière dont l’homme reconsidérera la condition humaine, mais aussi la "condition numérique" et la diffusion libre des connaissances.
« La BUP8 de chez soi »
Notre bibliothèque déploie également une communication sur les ressources électroniques, l’offre du service de VOD, les sélections de documents. Et elle assure la continuité de l’enseignement "Contribuer à Wikipédia" pour les étudiants de Licence : FAQ, devoirs, recherche de sources académiques, contributions dans des articles. En ces temps si particuliers, l’offre pédagogique s’invente tous les jours. »
Florence Codet, responsable du service de formation des usagers, et
Goran Sekulovski, responsable des services aux chercheurs.
Et vous ? Racontez-nous comment vous vous adaptez, les difficultés que vous rencontrez et les solutions que vous inventez en écrivant à: confinement@livreshebdo.fr