Disparition

Fin d'un long voyage à travers le cinéma pour Bertrand Tavernier

Bertrand Tavernier en dédicace au Salon du livre de Paris. - Photo wikicommons

Fin d'un long voyage à travers le cinéma pour Bertrand Tavernier

Cinéaste récompensé à Cannes, Berlin et Venise, plusieurs fois césarisé, Bertrand Tavernier, mort aujourd'hui à l'âge de 79 ans, était aussi auteur de livres sur le cinéma et éditeur d'une littérature américaine oubliée.

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Par Vincy Thomas,
Créé le 26.03.2021 à 12h12

Lyonnais, passeur, cinéphile, documentariste, scénariste, producteur, auteur, éditeur et surtout réalisateur, Bertrand Tavernier était un géant du cinéma français, se lançant derrière la caméra au milieu des années 1970 avec un triplé unique (L’horloger de Saint-Paul, Que la fête commence, Le juge et l’Assassin). L’Institut Lumière, qu’il présidait, a annoncé sa mort le 25 mars, après une longue lutte contre une pancréatite, à l’âge de 79 ans.
 
Généreux, chaleureux et pédagogue, volubile et curieux, insatiable passionné, ce qui le rendait si spécifique n’était pas seulement son érudition du 7e art, mais bien sa volonté d’anoblir ce divertissement visuel dans tous ses genres, du film noir au western, sans préjugés. Lui-même sera passé de la fresque historique à la chronique immersive, du thriller au biopic, du film de guerre à des œuvres engagées sur l’école, l’adoption, la police...
 
Prix Louis-Delluc, Ours d’or et Grand prix du jury à Berlin, prix de la Mise en scène à Cannes, Meilleur film étranger aux British Awards, Lion d’or pour sa carrière à Venise, cnq César en poche  : rarement un réalisateur et un scénariste n’a été si constant et respecté en quarante ans de carrière.
 
Une partie de ses films étaient des adaptations : L’horloger de Saint Paul, d’après L’horloger d’Everton de Georges Simenon ; La mort en direct, d’après The Continuous Katherine Mortenhoe, or The Unsleeping Eye de David Guy Compton ; Coup de torchon, d’après 1275 âmes de Jim Thompson ; Un dimanche à la campagne, d’après Monsieur Ladmiral va bientôt mourir de Pierre Bost ; La Passion Béatrice, d’après le roman éponyme de Michel Peyramaure ; La Fille de d’Artagnan, inspirée de la trilogie d’Alexandre Dumas ; L’appât, d’après le récit éponyme de Morgan Sportès ; Capitaine Conan, d’après le roman éponyme de Roger Vercel ; Laissez-passer, d’après les Mémoires de Jean Devaivre ; Dans la brume électrique, d’après le roman éponyme de James Lee Burke ; La princesse de Montpensier, d’après la nouvelle de Madame de La Fayette ; et Quai d’Orsay, son dernier long métrage de fiction, adapté de la bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac.
 
D’autres scénarios originaux (Ça commence aujourd’hui, La guerre sans nom), des scénarios adaptés et des récits de tournages (La princesse de Montpensier, Dans la brume électrique) ont été également publiés.
 
Père de la romancière Tiffany Tavernier, il a aussi beaucoup écrit. Des préfaces (comme celle pour les Mémoires de son ami de jeunesse Volker Schlöndorff) et des postfaces de livres de cinéma (notamment, en admirateur de Simenon, Michel Audiard-Georges Simenon, Actes Sud 2020), mais aussi des livres de référence. Les plus récents sont la réédition du monumental Amis américains : entretiens avec les grands auteurs d'Hollywood et L'amour du cinéma m'a permis de trouver une place dans l'existence : post-scriptum à Amis américains : conversation avec Thierry Frémaux (Actes Sud, 2019). En 2011, il a été le sujet du Cinéma dans le sang, entretiens avec Noël Simsolo (Ecriture). Il a aussi participé à des anthologies avec Jean-Pierre Coursodon sur l’histoire du cinéma américain. Il confiait, au Festival Lumière, en 2019, qu’ils travaillaient ensemble à la nouvelle version de 100 ans de cinéma américain (Actes Sud-Institut Lumière), « qui sera consacré à la période 1914-2014. Ce sera une énorme réactualisation [la première édition s'achevait en 1992], avec de nouveaux cinéastes contemporains, des personnalités des années des années 1930, une réécriture totale pour certains metteurs en scène, et plus de femmes. »
 
Enfin, il s’était livré dans un journal de réflexions, de l’été 1991 à l’automne 1992, avec Qu’est-ce qu’on attend ? (Seuil).
 
Depuis quelques temps, il s’était consacré à l’histoire du cinéma (français comme américain). Il était aussi éditeur, avec sa collection chez Actes Sud « L’Ouest, le vrai » : « Vingt livres déjà, écrivait-il au début de l’année. Dont trois seulement avaient été traduits, peu remarqués, avant de retomber dans l’oubli. Tous les autres étaient inédits et beaucoup avaient inspiré de très grands films de Hawks, Hathaway, Wellman, Tourneur, Huston… » Toujours ce rôle de passerelle entre les âges, les arts, et les continents.

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