"Elles vont devenir vos meilleures amies", affirme le bandeau sur la couverture. De fait, elles sont terriblement sympathiques, ces trois quinqua afro-américaines qu’Edward Kelsey Moore, violoncelliste de son état, nous présente dans son généreux premier roman. Difficile de résister à l’énergie vitale entraînante et à l’humour de ces sisters, potes depuis près de quarante ans, à la vie à la mort, dans la joie et dans la peine. Et il y a tout ça, des fous rires et des grandes douleurs, dans le parcours de ces trois girls qui, quand on les rencontre au début du livre, ne sont plus des poulettes de l’année.
Depuis 1967, date du début de leur amitié, celles que l’on a surnommées "les Suprêmes" en hommage aux interprètes de Baby love, You can’t hurry love et autres standards sixties de la Motown, ont établi leur QG dans le bar All you can eat ouvert par le fiable Big Earl à Plainview, petite ville de l’Indiana avec ses quartiers noirs et blancs séparés. Près de quarante ans plus tard, elles continuent de se retrouver là avec leurs conjoints pour déjeuner chaque dimanche après avoir assisté à l’office dans trois paroisses différentes. Les voilà, aussi dissemblables que solidaires. Odette, "née dans un sycomore" en 1950, est celle des trois qui a le caractère le plus affirmé : mariée à James, policier, mère de trois enfants adultes, cette responsable de la cantine de l’école, qui combat les attaques de la ménopause et bientôt du cancer en dialoguant avec des fantômes, conduit d’ailleurs le récit par intermittence. Barbara Jean, la plus jolie mais bien maltraitée par la vie, est l’épouse de Lester, un prospère entrepreneur paysagiste de vingt-cinq ans son aîné tandis que la troisième, Clarice, a renoncé à une carrière de pianiste pour épouser Richmond, son flirt d’adolescence, un coureur de jupons avec qui elle a eu quatre enfants.
Edward Kelsey Moore rembobine entre drames du présent et souvenirs secrets, entre rire et larme, l’histoire de ces héroïnes qui ne détonneraient pas dans un film d’Almodovar. "Entre Suprêmes, nous nous traitions avec délicatesse", commente Odette. C’est exactement avec la même bienveillance respectueuse que le romancier dresse le portrait de leur complicité à l’épreuve des balles.
V. R.