Depuis l'aube de l'humanité, le deuil a été chanté. Le poète met en mots la disparition d'un être cher, la fin d'un grand amour. Le mal-être inspire. Écrire le malheur n'est pas si sorcier, il suffit de décrire. L'encre est déjà de la couleur des ténèbres. Mais écrire le bonheur... Ou plutôt ces petits riens qui composent la lumière où virevoltent nos souvenirs, traduire cette couleur si douce de l'aube - tout n'est-il pas toujours mieux au début ? -, cela n'est pas si facile. Fabrice Pataut, lui, le fait très bien. Dans Les jours heureux, il tisse un récit autobiographique, en entrelaçant instants de joie simple, observations de petit garçon, épisodes de rencontres formatrices, épiphanie de l'amitié. De Sidonie sa grand-mère avec ses éternelles brioches à son meilleur copain Jean-Charles fan d'Artaud en passant par les innombrables souliers de maman ou ce « goût de la prosodie de l'espace » hérité d'un père photographe de mode... l'auteur dresse une topographie affective et littéraire, et dont l'élégance de plume est étayée par des illustrations de sa main, pleines de fantaisie. Son éducation par les femmes et les livres trace les linéaments de l'autoportrait de l'écrivain en jeune homme : ses inclinaisons esthétiques, son œil qui perce sous la pesanteur du prosaïque une légèreté cocasse, son esprit affûté mais dont l'aiguillon est sans malice. Autour des années 1970, il ne lit pas Butor, mais Larbaud, Proust, Gide, Genet... Faisant fi des engouements collectifs, il fréquente à la fois les jardins à la française et paradoxalement les lieux branchés warholiens. Les beaux jours, ou la généalogie d'un dandy.