C’est un signal fort adressé au monde du livre, mais aussi à l’ensemble des acteurs éducatifs et culturels. Presque six mois après leur lancement, les États généraux de la lecture jeunesse ont fait l’objet d’une restitution, ce lundi 1er décembre, inaugurant la journée professionnelle de la 41ᵉ édition du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ) de Montreuil.
Initiée en juillet dernier par les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, cette consultation d’ampleur – « la première depuis 25 ans », ont rappelé les neuf membres du comité de pilotage — visait à identifier des leviers d’action et à proposer des mesures concrètes pour enrayer la désaffection pour la lecture chez les jeunes.
Avec 36 000 participants mobilisés sur l’ensemble du territoire, dont 6 000 jeunes, le dispositif a largement dépassé les attentes de ses initiateurs. Mais cette mobilisation massive a également traduit l’inquiétude croissante des professionnels face au recul de la lecture, largement documenté par la dernière étude du Centre national du livre (CNL) et par le rapport « Enfants et écrans : à la recherche du temps perdu ».
Pour répondre à cette problématique, désormais reconnue véritable « enjeu de société », le comité de pilotage a formulé 15 propositions structurées en trois grands axes. La première étape d’une stratégie nationale appelée à se déployer sur une décennie, et qui doit maintenant se traduire par une feuille de route opérationnelle, incluant davantage de visibilité sur les actions et sur les moyens financiers engagés.
« La chute de la lecture n’est pas une fatalité »
« L’enjeu, pour nous, est de mettre de la lecture partout et pour tous. Il nous faut donc commencer dès le plus jeune âge, c’est-à-dire avant même de savoir lire, puis cultiver le pas à pas au collège et au lycée, période durant laquelle on observe le plus de décrochages ainsi qu’une explosion des écrans. Enfin, il faut évidemment que la lecture se poursuive en dehors du temps scolaire [...] La chute de la lecture n’est pas une fatalité. C’est le combat collectif d’une société ouverte », a lancé Édouard Geffray, ministre de l’Éducation nationale.
La ministre de la Culture Rachida Dati a également annoncé le lancement d'un temps de lecture annuel au ministère, à l'occasion de la remise du prix du livre pour les bébés- Photo ECPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
À ses côtés, son homologue de la Culture, Rachida Dati, a appelé à la mobilisation de tous les acteurs éducatifs et culturels, pour faire face à la concurrence des écrans. « Notre responsabilité, désormais, est de mettre des livres dans les mains de tous les jeunes », a-t-elle déclaré, insistant sur la mise en œuvre d’un « parcours de lecture continu, de 0 à 18 ans ». Mais avec quelles ressources ? « Nous trouverons les moyens financiers. Pour l’heure, je me bats à l’Assemblée pour que le budget ne soit pas baissé », a-t-elle rétorqué.
« Il nous faut accéder à un niveau politique interministériel »
« Quoi qu’il en soit, nous devons faire quelque chose de toute cette matière, et viser un niveau de lecture, dans dix ans, qui sera celui de 2014-2015. Pour cela, il nous faut accéder à un niveau politique supérieur, interministériel. Le comité de pilotage a donné une orientation, mais nous n’avons pas pu, avec le délai imparti, aller plus loin. Une deuxième phase de travail sera celle d’une déclinaison du plan établi », a déclaré, pour sa part, Nicolas Georges. Directeur du service du livre et de la lecture au ministère de la Culture et président de ce comité de pilotage, ce dernier a également esquissé la possibilité d’instaurer un « principe pollueur-payeur » appliqué aux réseaux sociaux afin de rétablir « une concurrence plus équitable » avec les écrans, régulièrement désignés par les adultes comme l’un des principaux facteurs détournant les jeunes de la lecture.
S’il a salué l’engagement remarquable des acteurs du livre et de l’éducation, le président du comité de pilotage a également évoqué un véritable « tournant » dans les pratiques de lecture, s’appuyant sur les retours des enseignants. « Tous le constatent : il devient de plus en plus difficile de maintenir l’attention des élèves, et la lecture suivie en classe est aujourd’hui presque impossible », a-t-il rapporté, mettant également en lumière une dimension genrée, les garçons étant ceux qui décrochent le plus rapidement.
Réenchanter la lecture et renforcer la coordination de tous les acteurs
Mais cette perception n’est pas unanime. Pour les jeunes interrogés, la lecture apparaît avant tout comme une activité solitaire, en plus d’être considérée comme peu ludique et éloignée du plaisir, surtout lorsqu’elle est pratiquée en milieu scolaire. Ils pointent également du doigt l’importance de l’exemplarité parentale, observant que les adultes eux-mêmes peinent à s’affranchir de leurs smartphones.
Pour inciter les jeunes à renouer avec la lecture, le comité de pilotage a donc présenté une série de mesures articulées autour de trois grands axes : « réenchanter la lecture » en la rendant plus désirable et en réintroduisant la notion de plaisir ; massifier les propositions qui vont dans le sens du rapport « Enfants et écrans » et renforcer la coordination interprofessionnelle sur l’ensemble du territoire, en mettant en place des programmes de développement de la lecture ainsi que des formations pour tous les acteurs en contact avec les enfants.
Membres du comité de pilotage des Etats généraux de la lecture jeunesse
- Nicolas Georges, directeur du service du livre et de la lecture au ministère de la Culture et président du comité de pilotage
- Sylvie Chokron, neuropsychologue et directrice de recherche au CNRS
- Louis Delas, éditeur jeunesse et PDG de l'école des loisirs
- Hella Feki, professeure de lettres et de théâtre, formatrice et écrivaine
- Timothée de Fombelle, écrivain
- Sofia Nogueira, cheffe du bureau des collèges au ministère de l'Éducation nationale
- Marion Pérol, professeure des écoles et directrice d'établissement
- Dominique Rouet, directeur des bibliothèques municipales du Havre
- Sylvie Vassallo, directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil
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