Le cinquième sexe. Lorsqu'est venu son tour d'ajouter sa « nuit au musée » dans l'éclectique collection éponyme dirigée par Alina Gurdiel chez Stock, Éric Reinhardt aurait pu se contenter de se voir offrir un week-end à Rome, logé à la Villa Médicis, et de passer une nuit au sein de la galerie Borghèse, dans les vastes jardins du même nom, riches en musées. Mais il a voulu corser l'affaire. Car même s'il en a profité pour saluer quelques chefs-d'œuvre exposés - des statues du Bernin comme Apollon et Daphné, qu'il envisage selon « huit points de vue », et L'enlèvement de Proserpine, autre épisode mythologique qui montre à la fois un viol et un inceste, ou encore des tableaux du Caravage comme Le jeune Bacchus malade ou Saint-Jérôme écrivant -, son sujet n'est pas tant une « nuit au musée » qu'« une nuit dans les bras de l'Hermaphrodite ». Hermaphrodite endormi est une statue romaine, copie d'un original grec, découverte au xvii^e siècle - un autre exemplaire parmi les sept existant au monde, le plus beau, au grain de marbre plus blanc et plus fin, reposant de surcroît sur un lit sculpté par le Bernin, se trouve au Louvre. Il fait partie de la collection Borghèse achetée en secret, et non pillée, par Napoléon en 1807.

Fasciné par cette singularité, par la sensualité de cette statue, Reinhardt s'est donc embarqué pour Rome, et, après quelques mésaventures (sa chambre à la Villa Médicis n'avait pas été réservée, l'accueil à la galerie Borghèse a été plutôt frais et snob, son éditrice l'a lâché après une séance photo éprouvante...), est parvenu à ses fins : en se dissimulant sous un échafaudage opportun lui permettant d'échapper à la surveillance vidéo, il a pu se glisser sous la couette avec la statue et lui faire un câlin. Durant cette trop courte nuit, il a pris des notes et imaginé un dispositif sophistiqué pour son livre à venir. Pas question de se contenter de raconter son histoire façon autofiction, un genre dont il est pourtant reconnu expert. Reinhardt l'a entrelardée d'une espèce de roman où il campe un couple très libéré, Bruno le dentiste et Emmanuelle la psy, du Puy-en-Velay, qui s'aiment mais se trompent, elle surtout. Un jour, elle reçoit comme patiente une certaine Gloria, chanteuse de talent, qui se trouve être hermaphrodite. Elle n'aura de cesse de lui faire rencontrer Bruno. S'ensuivra un amour hors des codes et des mœurs traditionnels, où les sexes se mélangent dans une frénésie de combinaisons chaque fois renouvelées.

Éric Reinhardt en profite pour aborder la question des genres, largement illustrée dans la mythologie gréco-romaine. Il a lu quelque part qu'existaient cinq sexes : les hommes, les femmes, les hybrides, plutôt masculins ou plutôt féminins, et les hermaphrodites (qu'il met au féminin par coquetterie). Un sujet très actuel qu'il traite à travers l'histoire de l'art et une relecture des Métamorphoses d'Ovide. Jusqu'à se glisser lui-même dans la danse.