C'est un livre fort curieux, qui tente d'être un roman, mais tourne vite à l'autobiographie. Il y a bien, au début puis par intermittence, cette histoire d'une rupture amoureuse dans l'île de Délos, mais la narratrice n'y croit pas elle-même. Non, ce qui l'intéresse, la passionne, apparaît même vital pour cette hypersensible qui souffre de mille maux plus ou moins psychosomatiques (une « laryngite émotionnelle », par exemple), c'est la quête de ses origines, la tentative de remonter le cours de l'histoire, et de retracer les parcours de ses deux familles : les Bongrand, un nom « trop français » pour être authentique, des protestants athées, et les Raudnitz, des juifs ashkénazes et séfarades, mais avant tout Français, eux aussi. Eux surtout. Des « israélites », comme on disait alors. Alice, l'arrière-grand-mère scandaleuse, l'égérie de la Belle Epoque qui a failli divorcer de son mari qu'elle n'aimait pas, pour Paul, l'amour de sa jeunesse, lequel s'est courageusement défilé, avait prévenu ses filles : « N'épousez jamais un juif, vous êtes françaises avant tout. » Ce pourquoi la famille s'est toujours tenue « à la lisière » de cette ascendance : au Père-Lachaise, Alice est enterrée non loin du carré juif, mais pas dedans.
Pour quelqu'un qui prétend n'avoir aucun souvenir, tout gommer, tout effacer, Caroline Bongrand, fille du célèbre Michel, le pape de la communication, l'inventeur du marketing politique, a une sacrée mémoire, une jolie plume, et un vrai univers sentimental, où elle parvient à inviter son lecteur.
Ce que nous sommes
Denoël
Tirage: 6 000 EX.
Prix: 18 euros ; 208 p.
ISBN: 9782207159378