Homo sapiens est-il un homme sage ? Pour le savoir, il faut remonter aux origines. C’est ce qu’a fait Yuval Noah Harari. A priori, cette espèce - la nôtre - ne partait pas avec des avantages. Plutôt chétive, mais dotée d’une forte détermination, elle possédait un grand cerveau, mais pas plus grand que celui de Neandertal qu’elle extermina, c’est du moins ce que l’on suppose.
Depuis, Sapiens continue de dominer et d’éradiquer. Véritable terreur de l’écosystème, il s’est imposé par petites touches, en inventant l’art, en créant les religions puis l’argent, le nouveau dieu vénéré par tous, même par ceux qui veulent détruire le monde au nom d’une idéologie. Mais pour Harari, "c’est avant tout par son langage unique qu’Homo sapiens a conquis le monde". C’est avec lui qu’il créa les nations, les droits de l’homme, imposant sa spécificité, car aucun autre animal social ne pense aux intérêts de toute l’espèce à laquelle il appartient.
Tambour battant, le professeur au département d’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem déroule cette Brève histoire de l’humanité et raconte les étapes de cette conquête marquée par trois révolutions : cognitive il y a 70 000 ans, agricole il y a 12 000 ans et scientifique il y a 500 ans. La taille du cerveau a compensé la perte de muscle des origines, même si ce cerveau a diminué depuis la période des chasseurs-cueilleurs.
Néanmoins, dans sa cavalcade effrénée, Sapiens n’a pas réglé sa régulation, la famine, les inégalités ou la souffrance du monde animal. Certes, nous allons de plus en plus vite, toujours plus loin, mais dans quelle direction ? Yuval Noah Harari pose la question autrement : que voulons-nous devenir ? Ou encore, que désirons-nous vouloir ? Son récit - best-seller international traduit dans une trentaine de langues - ne démontre pas que les hommes sont devenus plus bêtes au fil du temps. Mais on perçoit tout de même que Sapiens se fait parfois l’esclave de ses outils. "A sa naissance, l’écriture était la servante de la conscience humaine, de plus en plus, elle en est la maîtresse." En effet, les innovations technologiques entraînent de nouvelles obligations, comme celle de parler pour ne rien dire.
Alors, sage ? Peut-être pas. Heureux ? C’est à voir. En tout cas, ceux qui veulent en savoir un peu plus sur l’espèce humaine doivent lire cet essai qui galope dans la très longue durée. En brisant les lois de la sélection naturelle qui n’avaient pas bougé depuis quatre milliards d’années, Sapiens montre qu’il a un dessein. Reste à savoir s’il est intelligent… L. L.