Modernisation indispensable pour devenir une bibliothèque du XXIe siècle ou pervertissement de ses missions fondamentales ? Les avis s'affrontent au sujet du colossal programme de réaménagement du célèbre bâtiment historique de la bibliothèque publique de New York, sur la 42e Rue. Conduit par l'architecte Norman Foster et estimé à 300 millions de dollars, le projet prévoit de libérer de l'espace (ce qui nécessitera de déplacer près de 2 millions de documents dans un espace de stockage à l'extérieur de la ville), d'ajouter des ordinateurs, d'implanter un café et de créer une bibliothèque de prêt. Une véritable révolution pour cette vénérable institution qui ne propose jusqu'à présent que la consultation sur place.
Autre motif d'inquiétude pour les usagers, la vente prévue de deux bibliothèques du réseau. Les quelque 700 universitaires et écrivains, dont Mario Vargas Llosa et Salman Rushdie, qui ont signé le 9 mai une lettre ouverte très critique, s'interrogent sur les délais de communication des livres qui seront stockés hors les murs, et sur la capacité du bâtiment de la 42e Rue à accueillir le public des deux antennes qui seront vendues. "La bibliothèque se repositionne moins comme une institution tournée vers la recherche et l'érudition que comme un endroit à la mode pour intellectuels qui aura plus à voir avec les loisirs qu'avec la profondeur du savoir", déplore Ilan Stavans, professeur de culture latino-américaine.
Depuis plusieurs semaines, Anthony Marx, le président de la New York Public Library, multiplie les interventions dans la presse pour défendre son programme. "Nous restons investis dans le coeur de mission de la bibliothèque : fournir à tous les New-Yorkais et usagers un accès libre et gratuit au monde de l'information et au savoir, a-t-il notamment indiqué dans une interview au New York Times le 20 avril. Mais dans le monde en constante évolution des nouvelles technologies, la manière dont nous remplissons cette mission doit être élargie."