Avant-critique Roman

Don DeLillo, "End Zone" (Actes Sud)

Don De Lillo - Photo Joyce Ravid

Don DeLillo, "End Zone" (Actes Sud)

Enfin traduit, le deuxième roman de Don DeLillo met en scène un jeune footballeur fasciné par le nucléaire, que la lecture et la découverte des mots vont radicalement bouleverser.

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Par Marie Fouquet
Créé le 02.03.2023 à 14h00 ,
Mis à jour le 03.03.2023 à 15h49

Par-delà les mots. Alors que Bruit de fond a été adapté en film par Noah Baumbach et diffusé sur Netflix en 2022, paraît aujourd'hui en France le deuxième roman de Don DeLillo, End Zone. Publié en 1972 aux États-Unis, il n'avait pas encore été traduit en français, alors que la plupart des autres romans du maître de la littérature américaine l'avaient tous été rapidement après leur publication originale. Œuvre de jeunesse - Don DeLillo a commencé à publier à 35 ans -, End Zone recèle déjà l'obsession de l'écrivain pour le langage et les intrigues situées dans la classe moyenne américaine, cette Amérique périphérique qu'il développe dans toute son œuvre.

Dans End Zone, Don DeLillo décrit une Amérique de seconde zone dans laquelle les ambitions juvéniles de lycéens texans se confondent avec l'horizon illusoire d'une carrière de footballeur, glorieuse, virile et évidemment misogyne. Or derrière ces aspirations convenues et les violentes confrontations sur le terrain de foot, le protagoniste Gary Harkness évolue sur d'autres plans. Il restitue des conversations de vestiaires et de dortoirs, des dialogues avec les profs ou entre les lycéens eux-mêmes, des discussions qui prennent parfois une tournure si complexe et métaphysique qu'elles contrastent radicalement avec les stéréotypes qui leur collent à la peau. Quel impact les usages de la langue et des savoirs peuvent avoir sur la construction d'un jeune homme ? « Les mots devenaient des images », s'aperçoit Gary en lisant et relisant le panonceau laissé dans sa chambre par son père : « Quand l'avancée est dure, le dur avance ». De cette première révélation poétique, teintée d'ironie quant aux ambitions des pères pour leurs fils, découle une autre obsession : celle de la menace d'une guerre nucléaire. Fasciné par le vocabulaire scientifique du nucléaire et par son pouvoir de destruction massif, par la souffrance qu'il génère, aussi, Gary Harkness entremêle les descriptions de matchs, de confrontations des corps et de conflits entre les joueurs avec ses considérations sur la guerre et sur le football, dont il pensait faire son destin jusqu'à ce qu'il découvre qu'« un nouveau mode de vie requiert un nouveau langage ».

Don DeLillo
End zone Traduit de l'anglais (États-Unis) par Francis Kerline
Actes Sud
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 23 € ; 272 p.
ISBN: 9782330177423

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