Le père était entré à l’hôpital pour se faire enlever l’estomac. Ce qui l’a empêché de regarder le fameux match de foot France-Italie où Zinedine Zidane a donné du coup de boule. Après les six heures d’opération, il a fait une hémorragie. Il est resté six semaines dans le coma, avant d’enchaîner avec une pancréatite et une bronchite…
Si le froid est rude raconte ce qu’encaisse un fils sur le point de perdre son géniteur. Joseph est trentenaire. Il sait jouer un morceau de Cat Stevens à la guitare, vient de se faire "jeter" par Syd après presque trois ans passés ensemble. Pas facile d’oublier la fille à qui il doit la découverte des Modern Lovers et de Carson McCullers. Une fille qui lui a appris à se familiariser avec le "low cost", qui lui a laissé des chaussettes dépareillées et qui était "mortelle pour les sandwiches".
Le lecteur suit Joseph pas à pas. Le voit discuter avec Juan Manuel, qui ressemble un peu à Joey Ramone avec une barbe, parle mal le français et vient chez lui s’occuper du ménage. Joseph boit du rosé et mange des pizzas avec son copain Kiko. Ils monnaient ensemble les faveurs de deux étudiantes à Prague, la brune Sveta et la blonde Katia, avec plus ou moins de réussite.
Joseph hésite à inviter l’infirmière qui s’occupe de son père à boire un verre. Il drague une rousse qui fume des joints, écoute The Fall et les Seeds. Il boit des coups avec sa plus chère amie. Fonce au chevet de son géniteur quand son état se détériore. Retrouve sa mère, sa sœur enceinte. Discute avec les vieux amis de papa. S’apprête à faire l’expérience du deuil et à revoir Syd…
Remarqué avec deux livres parus chez Allia, Zimmer (2010) et Dexies & Dolly (2012) où l’on croisait déjà Joseph, ainsi qu’avec un texte dans la Revue singulière, Olivier Benyahya arrive chez Actes Sud avec ce texte bref qui s’avale cul sec. Benyahya épate avec sa manière toute particulière d’affronter le tragique en insufflant de l’humour et de la mélancolie dans la description du quotidien d’un héros moderne qui ne cherche jamais à être fringant et se montre cash.
Al. F.
