25 septembre > BD France

Le plus poétique des personnages mis en scène par Cyril Pedrosa dans Les équinoxes est un petit Indien, du type de ceux que plusieurs générations d’enfants ont pu découvrir dans les albums du Père Castor. L’une de ses aventures ou mésaventures introduit chacune des quatre saisons qui structurent l’album, leur donnant chaque fois une couleur et un ton singuliers. Il va échapper à un tigre à l’automne, souffrir de la faim l’hiver, découvrir une mystérieuse grotte au printemps, s’abandonner à la musique et peut-être à l’amour en été. Il va affronter la vie tout simplement. Et c’est bien de la vie, de la difficulté à la traverser seul, parce qu’on y est toujours, finalement, fondamentalement seul, que traite cet album magnifique de l’auteur il y a quatre ans du très remarqué Portugal (1).

Délaissant cette fois l’autobiographie, Cyril Pedrosa entremêle sur un an les parcours de plusieurs personnages aussi attachants que mélancoliques, qui fonctionnent chacun à son rythme, avec ses inquiétudes, ses obsessions et une conscience aiguë de ses limites. La référence à Virginia Woolf, qui explorait dans Les vagues les concepts d’individu et de communauté à travers les regards d’une demi-douzaine de personnages, est ici explicite. Vincent est un orthodontiste passablement alcoolique, qui peine à donner un sens à sa vie qu’il laisse le ballotter entre sa filles, son ex, son frère prêtre et ses amantes d’un soir. Louis, retraité, est un ex-militant communiste puis socialiste désabusé mais serein, qui a renoncé à trouver sa place dans un monde dont les coordonnées politiques ont changé. Camille est une jeune photographe dont les clichés, des portraits saisis au vol au fil de ses pérégrinations, sont autant d’occasions pour l’auteur de camper par le dessin et de pleines pages de texte de multiples autres personnages dont se révèlent le destin et la conscience tourmentés.

Comme dans Portugal, Cyril Pedrosa joue avec virtuosité de plusieurs registres graphiques, avec une dextérité encore renforcée depuis quatre ans. Valorisées par un travail somptueux sur la couleur, ses planches livrent ainsi les multiples facettes du défi universel de l’existence. Elles interrogent avec une finesse extrême le sens de ce temps qui passe pour chacun de nous.

Fabrice Piault

(1) Voir notre avant-critique dans LH 875, du 2.9.2011, p. 83.

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