Foire de Londres

Cela ressemble aux classiques piratages d’adresses mails et pillages de contacts, sauf que les hackers, plutôt que briguer des recharges téléphoniques ou un virement de la Western Union, demandent les manuscrits des futurs best-sellers. A la veille de la Foire internationale du livre de Londres, du 14 au 16 mars, plusieurs scouts en Grande-Bretagne ont reçu des mails qui reprennent l’identité d’éditeurs clients et demandent les PDF des "hot manuscripts".

L’adresse mail se trouve modifiée par un trait d’union en plus, ou un point qui n’existait pas dans l’originale, des anomalies si minuscules qu’elles sont difficiles à repérer. Des éditeurs danois, néerlandais, italiens, l’agence japonaise Tuttle Mori, la vénérable agence Wylie et même Markus Dohle, P-DG du groupe Penguin Random House, ont été touchés. Les hackers écrivent dans un anglais ou un français très correct et connaissent les clients de chacun.

C’est la scout Koukla MacLehose qui a sonné l’alerte, mais la plupart de ses confrères anglo-saxons interrogés ont été touchés. "Je m’en suis aperçue la semaine dernière en croyant échanger avec une cliente. Au bout de trois mails, j’ai fini par l’appeler pour lui dire qu’elle n’avait pas d’option sur le manuscrit qu’elle demandait. Elle est tombée des nues : elle n’avait rien demandé", raconte Koukla MacLehose.

Parmi les manuscrits ciblés, le prochain roman de Louise Erdrich, ou celui de Romain Puértolas. Plusieurs scouts britanniques ont reçu cette demande en anglais : "Claude Tarrène du Dilettante m’a parlé du quatrième roman de Romain Puértolas, Tout un été sans Facebook, un titre que nous avons optionné. Pouvez-vous m’envoyer le manuscrit ?" Les pirates connaissent donc les pratiques de ces échanges et les noms des responsables de droits. Claude Tarrène, agent au Dilettante, reçoit depuis plusieurs mois ces mails. a a commencé par les éditeurs de Turquie, puis de Grèce, de Bulgarie, d’Italie et depuis un mois les scouts anglais. Et, quand j’éconduis l’interlocuteur, il contacte directement Romain Puértolas sur Facebook !" précise-t-il.

A qui profite le crime ? Certains pensent qu’il s’agit de faire circuler des versions pirates de best-sellers, d’autres y voient un parasitage vengeur d’un ancien de l’édition. Raison de plus pour aller à la Foire de Londres et parler en face à face avec ses partenaires.

Anne-Laure Walter

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