C’était il y a plus de vingt ans. A Paris, un garçon venu du Havre déboulait dans un monde littéraire volontiers compassé pour ouvrir les fenêtres, faire circuler l’air du romanesque, rafler dès son deuxième roman (Comme ton père, L’Olivier, 1994) un prix Renaudot et laisser croire que l’avenir durerait longtemps. C’était il y a plus de vingt ans, et, depuis dix ans déjà Guillaume Le Touze nous manque. Mais l’année commence bien puisque aujourd’hui, depuis le Sud où il a trouvé refuge, il nous offre La mort du taxidermiste. Ses lecteurs y retrouveront ce singulier mélange qui fit le sel de ses plus beaux livres, entre une appréhension sensible du monde, des territoires, des paysages (mentaux aussi) et une volonté d’inscrire son écriture dans un "ici et maintenant" plus directement politique.
Bref, c’est l’histoire d’une fille qui revient. Elle s’appelle Marianne, elle rentre "d’exil" vers son île, la Corse. Un lien singulier, que ne partage nullement son frère avec qui elle s’est pourtant élevée, l’y attache. Ce retour sera pour elle une manière d’en définir la nature, et surtout de voir peu à peu se détacher comme des limbes le souvenir de son père, les âmes errantes de la décolonisation et un homme, deux peut-être, qui l’attendent sans qu’elle le sache encore.
Il y a dans ce beau roman tissé de mystère et de gravité une grâce âpre, peut-être aussi une colère sourde. Dans le tremblé du réel, on songe parfois à quelques livres corses d’Henri Thomas. Mais pas moyen de s’y tromper, cette humanité, ces solitudes frôlées, c’est bien du Guillaume Le Touze. Enfin de retour. O. M.