Pour la sauvegarde de la langue quechua, le ministère péruvien de la Culture s'est procuré les droits de textes d'auteurs prestigieux. - Photo DR
De grands auteurs sud-américains traduits dans la langue des Incas
Alors que des élus cherchent à rendre obligatoire l'enseignement du quechua, le ministère péruvien de la Culture s'est procuré les droits de textes d'auteurs prestigieux du continent sud-américain pour les traduire dans cette langue qui n'existe qu'à l'oral et qu'il a donc fallu retranscrire phonétiquement.
Par
Vincy Thomas
avec afpCréé le
05.10.2015
à 16h48
Pour la plupart des Européens, Quechua est une marque de vêtements et de produits sportifs d'une grande chaîne de distribution spécialisée. Mais le quechua est avant tout une langue, parlée essentiellement par les populations andines du Pérou et de Bolivie. Elle sort de l'oubli grâce à deux ambassadeurs de marque: les prix Nobel Mario Vargas Llosa et Gabriel Garcia Marquez, dont les œuvres vont être traduites dans la langue des Incas.
"Avec ces traductions, nous cherchons à valoriser la langue quechua, la renforcer afin que ceux qui la pratiquent se familiarisent avec son écriture”, a expliqué à l'AFP, Luis Nieto, conseiller à la direction de la Culture de la région de Cuzco.
Dès le mois de décembre au Pérou, c'est toute une collection d'ouvrages du Péruvien Vargas Llosa, du Colombien Garcia Marquez, de l'Argentin Adolfo Bioy Casares, de l'Uruguayen Juan Carlos Onetti et de la Brésilienne Clarice Lispector qui paraîtront dans cette langue ancestrale.
Au Pérou, sur 30 millions d'habitants, environ 3,6 millions de personnes parlent le quechua, principalement dans les régions qui bordent la Cordillère des Andes.
Son usage s'étend également en Bolivie, et dans une moindre mesure en Equateur et au nord du Chili. Mais en 2009, l'Unesco a classé le quechua parmi les 2500 langues menacées dans le monde.
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"Les jeunes de Cuzco, comme dans d'autres régions du pays ne veulent pas parler quechua. Malheureusement, dans la société péruvienne, cette langue est associée au racisme, les jeunes sentent qu'en parlant quechua, ils sont exclus", raconte Luis Nieto.
L'idée de la traduction de ces œuvres est née en avril 2014, en collaboration avec la maison d'édition péruvienne Estruendomudo, et après avoir pris contact avec Carmen Balcells, l'agent littéraire qui a lancé le boom de la littérature latino américaine, morte le 20 septembre dernier.
Au bout de quelques mois de démarches, le ministère péruvien de la Culture s'est procuré les droits de certains contes, les premiers traduits en quechua, une langue qui n'existe qu'à l'oral et qu'il a donc fallu retranscrire phonétiquement.
Une langue sans alphabet
Le conte de Garcia Marquez, Un monsieur très vieux avec des ailes immenses est ainsi devenu en quechua "Machu wiraquchataq raprasapataq". Et Le défi de Vargas Llosa a donné "Qanchu ñuqachu wañusunchis".
Les traductions et leurs vérifications ont demandé plus de trois mois de travail aux linguistes péruviens Socrates Zuzunaga et Georgina Maldonado.
"La traduction a été compliquée parce que le quechua est une langue tronquée (les Incas n'avaient pas d'alphabet, ndlr) mais qui connaît également de multiples acceptions. C'est une langue très riche, avec des phrases poétiques et une certaine résonance. Pour chaque conte il nous a fallu entre 15 et 20 jours de travail, avant l'étape de vérification”, explique M. Zuzunaga.
Chaque livre comptera 50 à 110 pages en édition bilingue (quechua et espagnol), avec un tirage de 5000 exemplaires par œuvre.
Ils seront distribués avec un journal régional couvrant les Andes du sud, où se pratique le quechua, et vendus à un prix symbolique. Une partie des ouvrages sera également offerts aux écoles bilingues de Cuzco.
Mais ce projet n'est pas le seul à œuvrer pour la réhabilitation du quechua. Il y a quelques mois, c'est Renata Flores, une fillette andine, qui avait réussi un grand coup en reprenant en quechua le titre de Michael Jackson "The way you make me feel" ("Chaynatam ruwanki cuyanaita"), une version vue plus d'un million de fois sur Youtube.
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Le député Hugo Carrillo a quant à lui réuni 35 000 signatures sur les 60 000 nécessaires pour présenter un projet de loi au Parlement, pour rendre obligatoire l'enseignement du quechua.
"Sur les 130 parlementaires, 40 parlent le quechua, nous allons faire appel à eux pour que le projet de loi soit adopté”, précise-t-il à l'AFP.
En 1975, Juan Velasco, un dictateur nationaliste, avait déjà tenté d'intégrer l'enseignement du quechua dans les programmes scolaires. Même si sa tentative s'était soldée par un échec, il était tout de même parvenu à l'instituer comme langue officielle.
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