9 mars > BD Italie > Gipi

Adolescence, rapports père-fils, perte de l’innocence : on retrouve dans La terre des fils les thèmes que Gipi a déclinés dans Notes pour une histoire de guerre (Actes Sud, 2005, réédité en mars), Le local (Gallimard, "Bayou", 2005), S. (Vertige graphic, 2006, réédition Futuropolis, 2014) ou Ma vie mal dessinée (Futuropolis, 2009). Mais l’auteur italien multiprimé en Italie, en France ou en Allemagne les aborde cette fois sous la forme la plus dépouillée. Il place ses personnages dans un monde post-apocalyptique réduit à quelques bandes de terre, de vagues champs, des usines en ruine qui émergent à peine d’une vaste étendue d’eau, où la survie est le seul enjeu. Abandonnant la couleur et le lavis, comme tout récitatif, il restitue leur trajectoire en noir et blanc, par le trait et le seul jeu des dialogues et des silences.

Dans les marécages, donc, survivent un père et ses deux fils. Si le premier aime les seconds, il se garde bien de le leur manifester, considérant toute tendresse comme une faiblesse qui ne peut que les entraver dans leur combat pour subsister. Il ne leur apprend pas non plus à lire et à écrire, conservant pour lui le cahier noir dans lequel il tient chaque jour une sorte de journal. Ce qu’il transmet, ce sont surtout des règles strictes voire brutales sur les lieux où il ne faut pas aller, les animaux morts qu’il ne faut pas consommer, les "autres" qu’il ne faut pas fréquenter. Des règles qu’il ne respecte lui-même pas toutes, et que ses fils enfreignent et vont enfreindre plus encore pour trouver, lorsqu’il va un jour décéder, quelqu’un qui puisse déchiffrer le cahier.

Gipi dessine ainsi un parcours d’initiation qui enjambe la mort du père pour se déployer au fil de rencontres plus ou moins tendues. Les fils sont tour à tour confrontés à des vieux jumeaux qui leur manifestent une affection un peu suspecte, à leur jeune esclave, à une bande de dangereux illuminés adeptes du dieu Trokool ou encore à une soi-disant sorcière. Sur la "terre des fils", l’espoir est ténu, mais il n’a pas encore complètement disparu.

Fabrice Piault

03.03 2017

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