Voilà déjà quelques années (en gros, depuis l'assassinat d'Olof Palme et les premiers films "Dogma" de Von Trier et Vinterberg) que l'on sait que le sacro-saint "modèle social-démocrate scandinave" a, en termes de moral des ménages au moins, du plomb dans l'aile. S'il était nécessaire, confirmation nous en serait donnée à la lecture de ce A la recherche de la reine blanche, deuxième traduction en français après le déjà très abouti Submarino (Denoël, 2011) de l'enfant terrible des lettres danoises, Jonas T. Bengtsson.
Danemark, années 1980. Les enfants de la contre-culture sont fatigués. Peter, 6 ans, souhaiterait peut-être parfois être un peu moins "différent". Il n'a pas connu sa mère et vit, hors de toutes obligations scolaires, d'un logement de fortune à l'autre, avec un père anarchiste et ayant le sentiment d'être sans cesse poursuivi. Pour calmer ses angoisses, le soir venu, son père lui raconte "l'histoire du roi et du prince qui n'ont plus de maison et sont partis de par le monde pour trouver la reine blanche et la tuer. [...] Le roi et le prince sont les deux dernières personnes encore capables de voir le monde tel qu'il est". Et puis, un événement terrible viendra détruire leur fragile équilibre. Peter grandira. Il vieillira. Il changera de siècle. Et devra un jour, lui aussi, se confronter aux fantômes de son passé...
La vérité a beau sortir de la bouche des enfants, c'est un vrai pari que de leur confier le soin de la narration. Et Jonas Bengtsson le gagne haut la main. On ne lâche pas plus ce gros roman générationnel, aussi dense qu'ambitieux, qu'on ne se désintéresse des mots de ce narrateur qui ne connaît d'âge que de déraison. Bengtsson aime à définir son travail "comme un croisement entre Eminem et Ingmar Bergman". Dans l'un et l'autre cas, la solitude et la folie sont au rendez-vous. Et le fruit de ces amours improbables, de ces rencontres de hasard, est magnifique.