« La vie nous mène sur d'étranges chemins. » Tout allait pourtant bien pour Isey et Thanh, un couple d'amoureux, dont le bonheur est renforcé par la grossesse de la jeune femme. Mais la brusque arrestation de Thanh brise ce bel équilibre. Ce « sincère patriote aime son pays », or que fait ce professeur d'université derrière les barreaux, « par ordre du roi » ? Pourquoi est-il accusé d'être un écrivain politique, pire un traître à la nation ? « Il n'y aura pas de procès équitable. Thanh a été arrêté pour l'exemple. » On songe aux régimes soviétiques, turcs ou chinois. Loin de se laisser démonter, Isey fait preuve d'une volonté incroyable pour le sortir de là. Elle envoie des tas de lettres à ses proches, son avocat ou une amie ayant accès aux sphères du pouvoir. Au fil de leurs correspondances se dessine le portrait d'une amoureuse déterminée, souvent bousculée par le destin.
« La vie me semble un jeu de dupes où chacun endosse les rôles que le hasard lui confère. » Isey se révèle une femme indépendante. Confiée à une nourrice lorsqu'elle était petite, elle renoue avec sa mère réfugiée dans un monastère. L'écriture lève enfin un coin de voile sur ce mystère. L'héroïne a aussi perdu un grand frère, décédé dans un accident. L'homme, qui a secrètement aimé ce dernier, veille sur elle. Mieux encore, il élabore un plan d'évasion pour Thanh, condamné à la décapitation. Incarcéré à l'isolement, il risque de s'étioler, alors Isey ne manque pas d'ingéniosité : elle engage une petite main transmettant leurs messages respectifs.
« Je ne trouve pas de mots pour te consoler de cet enfermement. Je me sens vide. Je t'aime et je partage ta peine. » La naissance de leur fille lui insuffle l'envie de transmettre une pulsion de vie. « J'ai l'écriture en guise de pinceau, et ton imagination de lecteur pour me seconder. Les mots sont pauvres, mais ils sont tout ce que j'ai pour aller jusqu'à toi. » Cette correspondance salvatrice couronne leur amour. « Il y a un lien invisible qui nous relie. » Ce lien, presque ombilical, les aide à rester debout face à l'adversité et l'injustice. Sera-t-il suffisant ?
Original par sa forme, ce roman se compose uniquement de lettres aux uns et aux autres. On y sent la touche de la poéte Hoai Huong Nguyen. D'origine vietnamienne, elle aime rendre hommage à ses racines. Son prénom raconte déjà une histoire en soi : « se souvenir du pays ». Ici, il n'est jamais nommé, mais il correspond à une terre de combats. Ceux qu'Isey doit mener pour maintenir en vie l'homme aimé et ceux qui poussent Thanh à rester libre, ne serait-ce que dans son cœur.
« Nous ne serons jamais l'un sans l'autre parce que je te porte en moi. » Malgré les épreuves, l'incertitude et cette distance déchirante, « l'espérance est restée plus forte... » Il en va de même de l'amour ou l'amitié irriguant ce courrier, tantôt sombre, tantôt étoilé. « Une fleur ne dépérit pas, elle doit s'épanouir malgré tout et porter son fruit à l'été. » Interdit de baisser les bras !
Le cri de l’aurore
Viviane Hamy
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18 euros ; 250 p.
ISBN: 9791097417246