Serpent de mer des achats en librairie, la vente ferme refait timidement surface, grâce notamment à Laurent Seminel, le fondateur et dirigeant des éditions gastronomiques Menu Fretin. Reprenant, début février, sa diffusion-distribution auparavant confiée à Pollen, il propose aux libraires deux formules afin de réimplanter ses ouvrages en magasin. A côté de la méthode traditionnelle, alliant 35 % de rabais avec une faculté de retour, il a créé un dispositif original : 10 points de remise supplémentaires accordés en contrepartie d’un achat ferme. "C’est un accord gagnant-gagnant, plaide l’éditeur. La prise de risque du libraire est récompensée par la remise de 45 %, et moi, j’évite les retours, qui, en règle générale, finissent pour moitié à la benne."
Diversement accueillie, la formule a toutefois suscité l’intérêt auprès d’une poignée de libraires, l’assurance de vendre les ouvrages constituant leur principale motivation. Ainsi chez Deloche, à Montauban, où Philippe Bernardou a quasiment "prévendu" le livre Rêver le goût et la couleur, réalisé avec les employés de la biscuiterie locale Poult. Stéphanie Terron (L’Ecume des pages, Paris 6e), comme Frédéric Bridot (Vent d’ouest, au Lieu unique, Nantes) ont choisi d’inclure dans leur commande des livres qu’ils vendent déjà régulièrement. "Se cantonner à ce que l’on connaît déjà représente toutefois l’une des limites du système", observe Frédéric Bridot.
Plus radical, Antoine Boussin rejette la solution. Le directeur de Richer à Angers préférerait plutôt pouvoir jouer sur la durée des échéances en fonction du potentiel de ventes des ouvrages. Quant à Renny Aupetit, du Comptoir des mots (Paris), pourtant prêt à "faire de l’expérimentation" sur le sujet, il estime la rémunération proposée par Menu Fretin insuffisante. "La contrepartie du ferme, c’est au minimum 50 % de remise, estime le libraire. Mais de toute façon, personne parmi nos fournisseurs n’a envie, pour le moment, de mettre le doigt dedans."
Cécile Charonnat