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Comment le roman d’espionnage renaît de ses cendres

Les romans d'espionnage ont désormais un Prix remis par des professionnels du renseignement. - Photo Eric Dupuy

Comment le roman d’espionnage renaît de ses cendres

Moins en vue après la fin de la Guerre Froide, le roman d’espionnage renaît aujourd'hui de ses cendres. Plusieurs maisons d’édition développent de nouvelles collections à la faveur des séries à succès sur les plateformes de streaming. La guerre en Ukraine, "formidable terrain de jeux" pour les auteurs, pourrait bien accélérer encore le renouveau du genre.

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Par Eric Dupuy
Créé le 15.07.2022 à 20h23

« Ce qui est intéressant pour le public dans le roman d’espionnage, c’est qu’il permet de découvrir ce qui se trouve derrière la vitre sans tain », assure Marc Dugain. L’auteur est à la tête d’une nouvelle collection, Gallimard Espionnage, qui ambitionne de sortir quatre à cinq romans par an. Et Gallimard n'est pas le seul éditeur à relancer le genre. Les éditions Robert Laffont ont lancé « Service Action » en début d’année, publiant les romans de Vincent Crouzet, alias Victor K. Nouveaux Auteurs s’est de son côté associé avec Prisma Média au printemps pour lancer « Spy », une collection de titres de Michel Behar.

« Une inspiration sortie de l’algorithme Netflix »

Depuis l’annonce de la création de cette nouvelle collection, les responsables de Gallimard indiquent recevoir une dizaine de manuscrits par mois. Pour autant, les œuvres qui ne tombent pas dans la caricature ne sont pas légions. « Il y a deux écueils dans le genre, prévient Marc Dugain. D’abord, l’ancien barbouze qui a des histoires à raconter mais ne sait pas le faire et surtout ne souhaite pas révéler certains secrets. Mais aussi l’auteur super littéraire qui sait écrire mais n’a aucune connaissance du milieu ». C’est toute la problématique du genre, qui a inspiré de nombreux blockbusters cinématographiques au XXè siècle et se retrouve aujourd’hui dépassé par les séries TV.

« Ça fait longtemps qu’on n’a pas eu en France de vraies séries d'espionnage à la SAS », reconnait Ambre Rouvière. La Responsable du pôle littérature des éditions Prisma et des Nouveaux Auteurs avoue avoir été « surprise » de cet engouement soudain du secteur. « Pour nous, c’est une collection très populaire que je ne refuse pas de qualifier de romans de plage avec un positionnement grand public, à prix plus bas que la moyenne de nos parutions », poursuit-elle. A 16,95€ contre 18€ pour le premier roman de Gallimard Espionnage, Des hommes sans nom de Hubert Maury et Marc Victor, le positionnement commercial est similaire. Pour autant, Marc Dugain veut croire à une « dimension intellectuelle importante du genre qui permet de rentrer dans la complexité des enjeux géostratégiques », à l’heure du « flow d’informations en continue ». Selon l’auteur et réalisateur, le renouveau du roman d’espionnage ne passe cependant pas par « une inspiration sortie de l’algorithme Netflix », et ne doit pas être « trop didactique et tomber dans l’hyper technique ».

Un contexte international porteur

Chez Robert Laffont, les deux premiers romans parus de la collection « Service Action » collent au plus près de l’actualité. Après un premier opus Cible Sierra dont l’intrigue débute à Beyrouth, juste après la terrible explosion d’août 2020, Sauvez Zelensky est publié trois mois après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. « C'est la marque de la collection : être au plus proche de la réalité, a confié l’auteur Victor K. au site confinews. Se glisser dans la grande histoire ».

La Guerre froide a été « un formidable terrain de jeu » pour les auteurs, John le Carré en tête. Marc Dugain estime que l’avènement du numérique dans les années 2000 a été « un bouleversement qui a complètement rebattu les cartes » avec la privatisation du secteur. « Les grands groupes ont tous un service privé de sécurité avec d’anciens barbouzes », confie-t-il. « Il n’y a jamais eu autant de tensions géostratégiques qu’aujourd’hui », partage Ambre Rouvière. Tous s’accordent sur une dynamique durable du genre dont la production est encore trop confidentielle en France. « Aux Etats-Unis, il y a une culture du renseignement beaucoup plus importante », constate-t-elle en regrettant que les romans d’espionnage soient présentés en France au milieu des polars et romans noirs, « sans rayon dédié ».  

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