Hachette Livre

C’est une assemblée générale très particulière que va vivre Lagardère (et notamment sa filiale Hachette Livre) mercredi 30 juin. Celle qui va mettre fin à la gérance sous forme de commandite et transformer le groupe en une société anonyme. Avec, à sa tête un conseil d’administration composé de onze membres dont deux élus du personnel, Arnaud Lagardère, Nicolas Sarkozy, Joseph Oughourlian (pour Amber Capital), une représentante de Qatar Holding et un nouveau venu de choix : Arnaud de Puyfontaine, homme-clé de l'empire Bolloré, président du directoire de Vivendi depuis 2014 et président du conseil d'administration d’Editis. Editis, le principal concurrent d’Hachette Livre.

Pour contourner tout éventuel conflit d'intérêt, les futurs dirigeants du groupe ont imaginé un scénario kafkaïen révélé par le Monde et qui nous a été confirmé : quand le conseil d’administration abordera des questions sensibles relevant du livre, Arnaud de Puyfontaine quittera la salle pour ne pas bénéficier d’informations risquant de profiter à Editis. Sachant que de toute façon, avec 27 % des actions et 22 % des droits de vote, le groupe Bolloré devient de facto le premier actionnaire de Lagardère. "Arnaud de Puyfontaine a une triple légitimité pour siéger au conseil d’administration de Lagardère, explique Jean-Clément Texier, président de la Compagnie Financière de Communication, de Ringier France et de l'?Ecole de Journalisme et de Communication d'Aix-Marseille. Il représentera le premier actionnaire ; il préside le deuxième groupe d’édition en France ; il possède de ce fait une expertise très forte dans le domaine du livre. C’est quelqu’un de particulièrement compétent."

Des inquiétudes

Pas de quoi rassurer les syndicats. Pour Noëlle Genaivre, secrétaire du comité de groupe et du CSE du groupe Lagardère (jusqu'à ce mercredi et son entrée au sein du conseil d'administration) "les dirigeants du groupe nous disent que l’actionnariat est pacifié, qu’ils veulent protéger les actionnaires de la concurrence, mais nous ressentons une vraie anxiété. " Le 5 novembre, dans la présentation des résultats du troisième trimestre, Arnaud Lagardère assurait encore qu'il "n’exist[ait] actuellement aucune négociation sur une cession au sein du groupe, ni sur un quelconque changement dans sa structure en commandite par actions…" Avec l’arrivée parmi les instances dirigeantes d’Arnaud de Puyfontaine, plus les jours passent et plus les salariés d’Hachette Livre craignent une OPA pure et simple.

Nombreux sont ceux qui observent avec peur les événements actuels au sein de la rédaction d’Europe 1, et son mariage forcé avec CNews, chaîne détenue par Vincent Bolloré. "Ils ont tort, dédramatise encore Jean-Clément Texier. La déferlante Bolloré à Canal+ ou ce qui se passe à Europe 1 ne peuvent être comparés avec le livre. L’édition est un milieu bien plus feutré que l’audiovisuel. Qui plus est, Canal + comme Europe 1 sont des entreprises que Bolloré a reprises alors qu’elles étaient en grande difficulté financière. Tandis que l’économie d’Hachette Livre est florissante." A ses yeux, ni Lagardère ni Bolloré n’auraient intérêt à démanteler l’empire éditorial. "Du moins, pas pour le moment… "

Sauf que du côté de l’état-major de Vivendi, on ne s’encombre guère de précautions. "L’intérêt premier chez Lagardère, c’est l’édition, nous souffle-t-on. Et donc bien sûr qu’Arnaud de Puyfontaine sera le nouveau grand manitou."

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