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Caillebotte, peintre de la masculinité moderne

« Gustave Caillebotte. Peindre les hommes » de Paul Perrin (Gallimard/Musée d’Orsay) et « Caillebotte : la peinture est un jeu sérieux » d’Amaury Chardeau (Norma)

Caillebotte, peintre de la masculinité moderne

À travers deux expositions, l’une monographique, l’autre en tant que collectionneur, Gustave Caillebotte (1848-1894) est, à l’occasion du 130e anniversaire de sa mort, à l’honneur au Musée d’Orsay. Une magnifique réhabilitation pour cet impressionniste naguère injustement oublié, qui s’accompagne de nombreuses publications.

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Par Sean Rose
Créé le 11.10.2024 à 15h51 ,
Mis à jour le 11.10.2024 à 18h54

« Le génie de l’artiste peintre des mœurs, écrit Baudelaire, est un génie d’une nature mixte, c’est-à-dire où il entre une bonne partie d’esprit littéraire. Observateur, flâneur, philosophe, appelez-le comme vous voudrez […]. Il est le peintre de la circonstance et de tout ce qu’elle suggère d’éternel. » Dans son essai Le peintre de la vie moderne, le poète des Fleurs du mal pensait à Constantin Guys. Mais les mots cités plus haut pourraient tout à fait convenir à Gustave Caillebotte dont le musée d’Orsay célèbre le 130e anniversaire de la mort à travers deux expositions « Caillebotte. Peindre les hommes » et « Caillebotte et les impressionnistes. Histoire d’une collection ».

Dans cette dernière se dessine en creux l’autoportrait d’un amateur d’art, mécène et organisateur d’expositions. Le peintre collectionneur fit de sagaces acquisitions d’artistes contemporains, parmi lesquelles des chefs d’œuvre signés Monet, Renoir, Degas, Pissarro ou Sisley… Tous représentants de l’impressionnisme, mouvement dont Gustave Caillebotte fut, injustement, le grand oublié… « Caillebotte. Peindre les hommes » pallie cette ellipse de l’histoire de l’impressionnisme qui trouvait sans doute ce rentier pas assez républicain, à rebours d’un Manet plus politisé et politique.

Peintre des mœurs modernes

Ce jeune héritier, fils d’un riche entrepreneur textile qui fit fortune en fournissant l’armée, n’est pas franchement bohème. Peintre des mœurs modernes, Caillebotte l’aura pourtant été. Bourgeois, ouvriers, dans leurs loisirs, leur rêverie ou leur labeur… Ici c’est son frère René au piano, là une partie de billard ou de cartes, ou encore des ouvriers qui rabotent le plancher.

Caillebotte parquet
Les raboteurs de parquet, de Gustave Caillebotte, musée d'Orsay (Paris)

Représenter des paysans ou des prolétaires hormis chez Millet ou Courbet n’est pas fréquent dans le monde de l’art, et pas du goût des membres du jury du Salon de 1875 qui refuse ce premier grand format de Caillebotte, Les raboteurs de plancher, jugé « vulgaire ». Torse nu, en sueur, ces hommes du peuple s’échinent à égaliser le parquet… Caillebotte, à ses débuts réaliste, rejoint alors les impressionnistes en présentant ce tableau dans la seconde exposition du groupe en 1876.

Mais ce qui frappe dans l’exposition monographique du temple parisien de l’art du XIXe siècle, outre l’intérêt esthétique, est le fait que la modernité était au commencement à ce point genrée. Les progrès de l’industrie et de la technologie ignorent la mixité. À travers ces tableaux on découvre une société où les sexes font bande à part.

Masculinité

Et c’est un monde presque exclusivement d’hommes que saisit la palette de Caillebotte. Que ce soient des hommes de dos à la fenêtre, ou au balcon d’un immeuble haussmannien, ou des Canotiers ramant sur l’Yerres (1877). Cette œuvre au prisme de la masculinité de son époque fait néanmoins preuve d’une grande modernité tant du point du vue du sujet même – un homme au sortir du bain se séchant trivialement à rebours du nu académique imité de l’antique – que de son traitement – des cadrages singuliers, parfois très serrés, où l’on ressent l’influence de ce nouvel art concurrent, la photographie. Des passants qui s’avancent vers nous, un badaud regardant le contre-bas, un chien allant vers l’autre côté du pont… Avec ses formidables lignes de fuite, ce Pont de l’Europe (1876) est saisissant à la fois impressionniste, et réaliste comme du Edward Hopper avant l’heure…

 

Bibliographie Gustave Caillebotte

 

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