Japan Expo 2025

Manga : quand les mœurs se libèrent

Une festivalière écume une section Yaoi, le sous-genre dédié aux amours homosexuels. - Photo Léon Cattan

Manga : quand les mœurs se libèrent

Il n’y a pas que les jeunes hommes qui lisent du manga et s’intéressent à la culture japonaise. La Japan Expo 2025 et ses exposants multiplient les initiatives le démontrant, à la demande d’un public toujours plus friand de contenus subversifs et diversifiés.

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Par Léon Cattan
Créé le 04.07.2025 à 15h59

Empilés sur le stand Animeland de la Japan Expo, quelques exemplaires du Hors-série Hentai sont sous blister. Un jeune adulte attrape l'une des revues, la jauge, puis la repose. « Je sais pas si j’assume », dit-il à ses amis. Une réaction compréhensible, mais de moins en moins fréquente d’après le vendeur du premier magazine de l’animation et du manga.

Nous ne sommes que jeudi midi, premier jour du festival, et il a déjà écoulé plus de la moitié de son stock. « On a déjà vendu 36 numéros sur les 60 que nous avions apportés. Même si acheter des contenus qui ont trait à l’érotisme ou à la pornographie à visage découvert est considéré comme une pratique marginale, de plus en plus de festivaliers osent. Même si certains le font “pour un ami » ajoute-t-il avec un sourire amusé.

Mais le public friand de ces lectures est-il toujours le même ? Et ces publications sont-elles seulement destinées aux hommes ? Les récents efforts du festival et les avancées sociales laissent penser le contraire.

Héros non-binaires et sujets de société

« Japan Expo, c’est bien plus qu’un festival : c’est un espace sûr et inclusif où chacun peut être soi-même » indiquent les organisateurs du festival de pop culture sur leur site web.

En 2025, la notion de « safe space », soit la création d’un endroit où règne la diversité et l’acceptation de toutes les identités, est au cœur du programme : compétition vidéoludique de l’association Silver Geek, qui est composée de seniors, présence du collectif Afrogameuses, et tables rondes sur le cyberharcèlement et la santé mentale, faisant intervenir respectivement le streamer Mistermv et le podcast Case Départ.

Chez certains éditeurs aussi, ce besoin de changement se fait sentir. Sur la scène Kuri, l’éditrice Flore Piacentino est venue défendre Œil de dragon de Cha Sandmael (Albin Michel, 2024, trad. Aude Pasquier), dans le cadre d’une nouvelle collaboration avec la plateforme de webtoon Allskreen.

La bande dessinée met en scène un elfe non-binaire utilisant le pronom neutre « Iel ». « La bande dessinée utilise l’écriture inclusive, explique-t-elle à Livres Hebdo. Et ce n’est pas commun. Je l’ai fait lire à un groupe de 9-12 ans pour savoir si le procédé ne les désorientait pas, et les résultats ont été excellents. Nous pensons vraiment que ce genre de contenu peut plaire aux festivaliers. »

Revendiquer, vibrer et s’assumer

C’est aussi l’avis de la maison d’édition Beta Publisher, présente sur la convention depuis deux ans. Avec ses romans queer et féministes, ses drapeaux LGBTQI + partout, le stand sort du lot. Camille de Decker, directrice éditoriale, justifie ce choix : « Le roman est un point d’ancrage pour les lecteurs plus "conventionnels" qui accompagnent leurs amis fans de mangas. Nous avons ramené des titres de notre collection féministe A Sexe Égal, et ils suscitent beaucoup d’intérêt depuis le début du festival. » Existant depuis neuf ans, la maison représente une quarantaine d’auteurs.

Beta Publisher
L'équipe de Beta Publisher fête sa deuxième année à la Japan Expo.- Photo LÉON CATTAN

Il y a l’offre, mais aussi la demande. Influenceuse, Meyra est venue au salon pour soutenir Hana éditions, qui est spécialisé dans le Boy’s Love. « Les fans de Yaoi d’aujourd’hui réclament des histoires porteuses de thématiques sociales, sur les injustices comme sur des choses plus douces, des histoires feel good sur l’homoparentalité… »

Le manga érotique pour femmes n’est pas en reste, et en mai 2025, IDP a lancé Teen’s Love, une collection au contenu explicite. « Les femmes qui lisent des mangas érotiques ont toujours existé, mais elles étaient souvent stigmatisées, observe Meyra. Aujourd’hui, elles sont davantage respectées, ce qui fait qu’elles assument plus. »

Des tendances éditoriales parallèles au manga s’implantent aussi dans le milieu, à l’instar de la romantasy, phénomène incontournable de ces dernières années. Paru en avril 2025, Puisque vous m’abandonnez, je vous mettrai à genoux de Selen reprend par exemple les codes de ce sous-genre, et ses deux premiers tomes se sont vendus respectivement à 877 et 785 exemplaires.

Meyra
Influenceuse, Meyra observe un essor de la romantasy dans le manga.- Photo LÉON CATTAN

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