Bien sûr l'accumulation de quelques observations ne fait pas une tendance, mais une grogne s'exprime dans plusieurs grosses bibliothèques à destination des directions qui cherchent à modifier le service proposé. Localisés, ces mouvements se rejoignent pourtant. Ils visent prioritairement à conserver inchangée la bibliothèque et s'appuient sur des représentants syndicaux. La lecture des rapports d'activité de la BNF et de la BPI montre que le nombre moyen de visites par jour d'ouverture ne cesse de diminuer (à la BNF, pour le haut-de-Jardin) depuis le début des années 2000. Ces vaisseaux amiraux des bibliothèques n'échappent pas à l'érosion de la fréquentation. De même, on sait que dans ces deux établissements, une partie importante des usagers (souvent la majorité) vient sans toucher les collections. Face à l'évolution des usages et à la baisse de la fréquentation, les directions repensent leurs services et on pourrait le leur reprocher si elles ne le faisaient pas. La réflexion s'oriente dans le sens d'une plus grande place accordée à l'espace. Cela a pour effet de réduire en partie les collections. Ces réflexions et évolutions qu'on observe dans beaucoup de bibliothèques à l'étranger suscitent donc des réactions de protestations de la part de professionnels qui s'insurgent. La critique porte sur l' « élimination » quantitative des collections mais aussi sur l'atteinte à la « qualité » des collections. Le communiqué de la FSU s'exprime clairement à propos de la BNF : «  Bref, on nivelle, on sacrifie la diversité, la qualité, l'originalité...  ». Bien sûr ces évolutions arrivent à un moment où les finances publiques sont comprimées ce qui conduit à une restriction du nombre de postes voire des budgets d'acquisition. Les syndicats sont bien sûr fondés à protester. Il reste que la question des moyens ne doit pas évacuer celle de la nécessaire mutation des services. La légère fonte des collections (on parle seulement de 5 à 10% à la BPI) n'est pas le signe d'un renoncement définitif de ces équipements dans la promotion de la culture. Faut-il rappeler que la lecture de livres qui est en baisse (chez les jeunes et pas seulement) n'est plus qu'une modalité d'accès au savoir à côté des écrans ? La rigidité sur la définition de la bibliothèque est-il le meilleur moyen de conserver aux bibliothèques leur attractivité et leur place dans notre monde ? La BPI qui a ouvert comme une vitrine de la lecture publique doit-elle vraiment se replier derrière les vitres d'une conception muséifiée de la bibliothèque ? BNF et BPI n'ont-elles pas au contraire à montrer la voie d'une rénovation de la manière dont se pense et se donne à voir la bibliothèque ? Toutes ces questions peuvent donner lieu à débats et les syndicats y prendre part. Mais ceux-ci expriment-ils autre chose qu'une conception conservatrice et corporatiste de la bibliothèque ? Après tout, la prise en compte des pratiques et aspirations de la population n'est pas moins légitime. Il existe d'autres voies pour définir cet équipement que par la taille et la qualité de ses collections. C'est incontestablement vers elles qu'il faut désormais tendre si les bibliothèques veulent continuer d'exister physiquement, fussent-elles BPI ou BNF...
15.10 2013

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