Livres Hebdo : Par l'intermédiaire du groupe Glénat, Hugo Publishing s'apprête à produire des centaines de livres audio. Que représente cette annonce pour la maison d'édition et ses auteurs ?
Arthur de Saint-Vincent : Cette annonce marque un véritable tournant. Nous devenons désormais producteurs de nos livres audio et gagnons ainsi la maîtrise de l’ensemble de la chaîne : depuis la production jusqu’aux plans de communication, que nous pouvons déployer de manière globale et sur des supports variés. Un autre point essentiel concerne les droits des auteurs. Nous pouvons désormais défendre leurs intérêts en leur permettant de conserver leurs droits, sans avoir à les céder. Jusqu’à présent, nous acquérions les droits audio que nous cédions ensuite à Amazon, qui assurait lui-même la production et diffusait les livres exclusivement sur sa plateforme. Ce modèle prévoyait des minimums garantis partagés avec les auteurs, ainsi qu’un système de royalties, similaire à celui qui lie l’éditeur et l’auteur. Désormais, Hugo Publishing choisit de conserver les droits, de produire en interne ses livres audio et de s’appuyer sur un diffuseur, uniquement chargé de les rendre accessibles sur les différentes plateformes. Ainsi, les textes restent pleinement la propriété des auteurs et de l’éditeur, sans concession sur le fond.
Quelle est votre position sur l’utilisation des voix de synthèse et de l’intelligence artificielle dans la production de livres audio ?
C’est une question complexe, surtout pour nous en tant qu’éditeurs, car les droits d’auteur sont au cœur de nos préoccupations. Je pense que cela doit rester une réflexion propre à chaque maison d’édition, en fonction de sa vision et de ses moyens. Aujourd’hui, le groupe Glénat a la chance d’être suffisamment mature et solide pour financer des productions audio de très haute qualité, même si cela représente un investissement important. Je suis toutefois convaincu que l’intelligence artificielle va contribuer à ouvrir le marché, notamment en permettant à des auteurs, déjà actifs sur le marché du livre papier, de s’autoéditer également en livre audio, comme c’est le cas notamment chez Librinova.
« Il serait irréaliste d’affirmer que nous n’utiliserons jamais l’IA »
Cela dit, cette solution ne répond pas encore à tous les standards de qualité, en particulier ceux de la communauté New Romance, qui est très exigeante, aussi bien sur la qualité de production que sur le respect des droits d’auteur, qui restent pour nous des valeurs fondamentales. Ainsi, tant que nous aurons la capacité de produire des livres audio avec des voix humaines, dans des conditions de qualité optimale, nous continuerons à le faire. En revanche, il serait irréaliste d’affirmer que nous n’utiliserons jamais l’IA, car c’est une technologie qui évolue vite et qui peut, dans certains cas, trouver sa place. Cela dit, notre communauté de lecteurs est attentive et intransigeante sur plusieurs aspects : la qualité des voix, la justesse de la diction, la variété des intonations… Ce sont des critères qui, aujourd’hui, ne peuvent être pleinement satisfaits qu’en travaillant avec des studios professionnels équipés et des comédiens expérimentés.
Comment envisagez-vous l’avenir du livre audio chez Hugo Publishing, notamment à la lumière du soutien financier de Spotify ?
Nous avons une ambition de développement très forte, avec pour objectif de publier 200 titres audio sur les trois prochaines années. Si nos parutions seront majoritairement axées sur la new romance (environ 80 %), nous souhaitons également nous diversifier en explorant d'autres genres et en proposant une offre plus large. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des équipes solides, capables de mettre en place une communication efficace autour de chaque lancement. Nous travaillons à créer de véritables synergies entre les formats papier et audio, ce qui est un levier essentiel pour accompagner la croissance du marché. Par ailleurs, notre collaboration avec Spotify joue un rôle significatif dans cette dynamique. Sans eux, nous viserions probablement 150 titres, mais leur engagement à soutenir la diffusion des livres audio nous permet d’envisager une montée en puissance plus rapide, en élargissant notre audience et en augmentant notre capacité de production. Il s'agit cependant d'un partenariat classique, sans exclusivité.