Avec Le brigand du Sertão, le public français va pouvoir découvrir le beau travail de Flavio Colin (1930-2002). Le dessinateur brésilien, inspiré par les Américains Milton Caniff, Chester Gould, Alex Raymond, Burne Hogarth ou encore Harold Foster, s’est fait connaître dans la seconde moitié des années 1950. Il est renommé dans son pays, mais était resté inédit dans l’Hexagone.
Scénarisé par un compatriote plus jeune, Wellington Srbek, diplômé en histoire et éducation, éditeur indépendant et spécialiste de bande dessinée né en 1974, cet album picaresque conte l’histoire d’un brigand du Nordeste du Brésil dans les années 1920. En réalité, ils sont deux : Antonio Mortalma est une brute sanguinaire ; Manuel Grande une sorte de Robin des bois, auquel se rallient tous les persécutés par les pires des truands, le colonel Soturno et ses fils. Censés maintenir l’ordre et protéger la veuve et l’orphelin au nom du bien public, ceux-ci sont en fait des soudards esclavagistes et corrompus.
L’épopée se déploie sur six chapitres, dans lesquels s’entremêlent ses épisodes retracés suivant différents angles de vue, par des voix différentes. Au-delà de la destinée des principaux protagonistes, elle restitue la société rurale fruste d’un Brésil très pauvre, à travers les figures emblématiques d’un esclave noir en fuite, d’une jeune fille de bonne famille conduite à la révolte ou d’un journaliste venu de la ville, qui finissent par rejoindre la troupe hétéroclite de Manuel Grande, chacun pour des raisons qui lui sont propres. Trait très précis, cases minutieusement construites, enthousiasmante exploitation du noir et blanc… Flavio Colin manifeste une maîtrise et une aisance réjouissantes pour croquer les états d’âme de ses personnages comme pour les perdre dans les sables mouvants au milieu d’une jungle luxuriante où pullulent des bêtes sauvages et exotiques.
Fabrice Piault.