Connu surtout pour ses nouvelles, Bernard Quiriny se révèle ici en amateur de supercheries et canulars littéraires. Devenu Bernard, le narrateur, il se rend un jour à Handrax, un petit bled de l'Allier, non loin de Moulins, afin de visiter le musée dédié à un peintre enfant du pays, Henri Mouquin d'Handrax (1896-1960), sur qui il est en train d'écrire un livre. Non seulement il y trouve ce qu'il cherchait, mais il s'y plaît tellement que le voici embauché comme second gardien dudit musée. Par son collègue, il apprend que, si Mouquin est mort depuis longtemps, son petit-neveu, le baron Archibald d'Handrax, est lui bien vivant, et qu'il habite toujours le manoir familial.
Bernard lui rend visite pour faire sa connaissance, voir ses tableaux de Mouquin afin d'en réaliser des copies pour son livre, qui, à sa parution, donnera lieu à une exposition à Paris. Le baron, qui déteste pourtant la capitale, montera même assister à l'inauguration. Entre-temps, un lien se sera noué entre eux, d'abord amical, puis familial, quasiment filial : Bernard est tombé amoureux de Corinne, la fille aînée d'Archibald, qu'il a fini par épouser. « Viens là, fils », l'a adoubé le beau-père, en larmes. Les jeunes époux sont partis en voyage de noces aux États-Unis, où le baron leur a fait tenir, chaque jour, une carte postale. C'est par la dernière qu'ils apprendront que, gravement malade, il a été transporté à l'hôpital de Moulins, où il décédera après leur retour. Sa femme, la baronne Hortense, partira vivre à Biarritz. Et c'est leur fils aîné, Arthur, qui reprendra le manoir, ainsi que toutes les maisons inoccupées, laissées dans leur jus, que son père collectionnait.
Ce n'était pas, loin de là, la seule excentricité de ce fabuleux et attachant hurluberlu, qui vivait dans son monde, et souvent à rebours de l'autre. Par exemple, cet anarchiste fabriquait avec ses fils des guillotines jouets ; ce grand enfant passait chaque mois une semaine dans un pensionnat avec des gamins... Mais le plus drôle, c'est que, sous son propre toit, il entretenait deux familles : l'une officielle, avec Hortense et leurs quatre enfants, l'autre officieuse, avec Coralie, la cuisinière, et ses trois enfants légitimés. Les premiers latinistes, les seconds hellénistes, et tout ce petit monde s'entendant à ravir.
La disparition du baron, cet être d'exception, a laissé un grand vide. Pour le combler, Bernard et Arthur, inventoriant les papiers de leur cher défunt, ont trouvé d'innombrables écrits inachevés, traités, romans, certes, mais aussi un Carnet secret, recueil de pensées, aphorismes, anecdotes et citations farfelus, prêt pour l'édition. Ils le publient donc simultanément, préfacé par Bernard Quiriny. La boucle est bouclée, l'illusion complète. Et l'on peut y savourer ce genre de nonsense : « Le monde à l'envers. Ils baptisaient chaque année la nouvelle cuvée de champagne en propulsant contre un magnum un gigantesque paquebot manipulé par des grues. »
Portrait du baron d'Handrax
Rivages
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 17 € ; 176 p.
ISBN: 9782743654993
Carnet secret préface Bernard Quiriny
Rivages
Tirage: NC
Prix: 7 € ; 252 p.
ISBN: 9782743655051